samedi 29 septembre 2012

Libor, liberté d'information et crédit hypothécaires.

Il a été beaucoup question des Xibor (Libor, Euribor, Tibor, …) depuis quelques mois. On a largement décrit en quoi ces indices ne sont pas vraiment des taux d'intérêts et comment les chiffres étaient imaginaires par définition. On a aussi décrit, mais pas aussi largement, comment un chiffre crée par un lobby pour une utilisation privée avait été utilisé dans beaucoup d'autres contextes par beaucoup de gens qui ne savaient pas exactement de quoi il s'agissait et prenaient ces chiffres pour des vérités (emprunts d'états, crédit hypothécaires, prêts à des entreprises, etc.).

Ce dont on a pas parlé du tout à ma connaissance est le fait que les chiffres Xibor sont non seulement inventés par un lobby privé mais aussi "secrets". L'utilisation de ces chiffres requiert une licence, payante bien évidemment. Par exemple le site du BBA Libor indique: "Recevoir ou utiliser les chiffres actuels ou historiques BBALIBOR requiert une licence". Le fait qu'il faut une licence pour utiliser ces chiffres renforce l'idée que les chiffres du Libor ne sont pas des faits mais des inventions artistiques protégées par un quasi copyright comme une oeuvre de fiction.

Les chiffres des indexes Xibor ne sont pas utilisés uniquement par le lobby bancaire mais également dans des contrats avec des parties extérieures: emprunt gouvernementaux, obligations d'entreprises, crédits hypothécaires ou autres. Si on lit le texte du site ci-dessus stricto sensus, vous n'êtes pas autorisé à connaitre le coupon payé par certains emprunts gouvernementaux ou le montant du payement de votre crédit hypothécaire si celui-ci est lié au Libor. Pour connaitre cela vous devez utiliser le chiffre du Libor et cela vous est interdit (sauf à payer une licence au lobby). Comment un indice peut-il être vu comme un indice de référence si chacun n'est pas libre de l'analyser comme il veut? Si une réforme du Libor et de ses cousins intervient, il est à espérer que ces indices deviendront vraiment public. En Angleterre, il semble que la FSA veuille prendre la direction du "nouveau Libor", mais je n'ai rien lu sur le caractère public des nouveaux indices.

En Belgique les crédits hypothécaires à taux variables ne sont en général pas liés à l'Euribor mais à un index d'emprunts de l'état belge publié par la FSMA. C'est probablement un bonne chose que les particuliers ne soient pas liés à des chiffres peu transparents mais à des chiffres plus officiels. Si ce système est plus transparent pour les particuliers, il est dangereux pour les banques. Elle ont des milliards d'avoirs (les crédit hypothécaires des particuliers) liés à des indices qu'elles ne maitrisent pas. Jusqu'à la crise de 2007, les taux de financement des banques et des états n'étaient pas extrêmement différents et la différence relativement stable. Se baser sur l'indice gouvernemental semblait acceptable pour les banques. Maintenant la différence de niveau de financement est bien plus large et plus volatile. Comment les banques ont-elles couvert ces risques? D'après mes informations, ma réponse est "mal ou pas du tout"! Le niveau de sophistication de la gestion des risques de crédits hypothécaires (souvent repris dans la gestion ALM) est bien moindre que celui utilisé dans les salles des marchés où des analystes quantitatifs et des traders gèrent les portefeuilles de produits dérivés. Pourtant les crédits hypothécaires sont peut-être les produits les plus compliqués des banques: risque de défaut des particuliers, risque indirects sur la valeur du bien immobilier, risque de taux d'intérêts, multiple options de pré-paiement par l'emprunteur, option sur les mouvement de taux (cap et floor sur les taux variables) et lien avec des indices gouvernementaux. Mais ces risques ne sont pas vraiment visibles dans les bilans des banques. Les prêts hypothécaires sont comptabilisés à la valeur nominale. Les pertes économiques ne sont pas indiquées au moment de la perte mais apparaissent au cours de la (très longue) vie des contrats. Une perte faite aujourd'hui sur un crédit vendu hier n'apparaitra peut-être dans la comptabilité qu'au cours des 20 prochaines années. Avec l'augmentation considérables des coûts de financement des banques par rapports au coûts de financement de l'état belge, c'est peut-être des centaines de millions de pertes pour les banques belges qui sont cachées dans leur bilan. Elle vont peut-être "saigner" ces pertes dans les 10 à 20 ans à venir. Il est à espérer que les régulateurs imposeront aux banques (et assurances) non seulement une meilleur gestion des risques des salles de marchés (bien qu'en Belgique il n'y a, à ma connaissance, jamais eu de catastrophe dans ce domaine) mais aussi des risques ALM. Si l'histoire récente (Fortis, Dexia) est un indicateur, ce n'est pas gagné!

Ce n'est pas sans lien avec les stress-tests bancaires qui étaient sensés analyser les pertes supportées par les banques avec des stress très peu stressant mais en plus qui ne s'appliquait pas au banking book avec l'excuse que la comptabilité de ces portefeuille est en valeur historique. N'importe quel mouvement de marché n'avait aucun impact sur la valeur comptable. Mais économiquement, cela voulait dire que les banques risquaient de perdre comptablement un peu d'argent chaque année pendant plusieurs années sans lier ces pertes à un événement particulier. Cela revient à interdire aux banques d'apprendre de leurs erreurs en les obligeant pas à ne pas reconnaitre leur erreurs. C'est ce qui ce passe en ce moment chez Dexia, mais cela est une autre histoire sur laquelle s'essayerai de faire un blog supplémentaire d'ici peu.