jeudi 27 décembre 2012

Merci Mr Poupelle de me soutenir.

Mr Poupelle est un ancien dirigeant de Dexia (CEO de DCL de 2008 à 2010). A ce titre mes lecteurs habituels peuvent deviner que je n'ai pas une une sympathie naturellement débordantes pour ses réalisations.

Néanmoins j'ai lu son interview dans JOL Press. et je voudrais le remercier de soutenir dans son interview deux propositions que je fais régulièrement: 1) des meilleurs régulateurs et moins de règles ; 2) des administrateurs de banques compétents.

Des meilleurs régulateurs et moins de règles


J'ai déjà fait part de mon opinion sur la régulation, en particulier dans les blogs:
Et quelques extraits de l'interview:
Je suis un tenant du bon équilibre entre règles prudentielles et supervision. Si la supervision est faible, on a tendance à bâtir des règles pour transformer les banques en blockhaus, pour les rendre incassables en quelque sorte : c’est la mauvaise approche[…]
C’est malheureusement la très mauvaise route empruntée par certains aspects de Bâle III[…]

 

Des administrateurs de banques compétents


Là aussi j'ai exprimé mon opinion à de maintes reprises et au minimum chaque fois qu'une nomination est faite par l'état belge dans un conseil d'administration d'une banque.
Et quelques extraits de l'interview:
Il me paraît essentiel que le superviseur […] soit d’une exigence redoublée sur la validation des dirigeants responsables des banques […]. Pour ma part, j’ai toujours été surpris que les membres des conseils d’administration des banques ne soient pas eux-mêmes validés par les autorités de supervision, voire préalablement auditionnés pour les plus importants d’entre eux, comme le président du conseil ou celui du comité des risques.

Je suppose que Mr Poupelle n'a pas décidé de faire ces propositions en lisant mon blog. Il est certainement suffisamment bien informé par lui-même pour avoir des opinions sensées sans copier quelqu'un d'autre. Je tiens néanmoins à le remercier pour avoir exprimé ouvertement ces opinions.

Je me permets néanmoins un petit bémol sous forme d'une question: Pourquoi n'a-t-il pas exprimé son opinion sur les conseils d'administration quand il était chez Dexia, dont le conseil d'administration était composé en bonne partie de politique sans expérience bancaire, en particulier son président Mr Dehaene?

dimanche 23 décembre 2012

Le test de QI a-t-il été inventé par des cons?

Comme j'aime la question, je me permets de reprendre le titre d'un blog de l'Echo en vous renvoyant à l'original:
Le test de QI a-t-il été inventé par des cons?
Mon opinion, renforcée par l'expérience, est que les personnes qui font passer ces tests ne comprennent pas la richesse des réponses. Je me permettrais donc d'ajouter un peu à la question ci-dessus en posant la question suivante:
Les tests psychotechniques ont-t-ils été inventés et sont-ils utilisés par des cons?
Notez que, fidèle à mon opinion qu'il y plus dans une question que celui qui la pose le pense, je pose la question en restant ouvert à la réponse ;-)

samedi 15 décembre 2012

Conseil d'administration des banques: plus d'avocats et moins de banquiers.

Deux nouvelles nominations par l'état Belge dans les conseils d'administration de banques, deux nouveaux avocats et zéro banquier. Pour ce qui est des compétences, un grand point d'intérogation!

J'avais donné récemment à l'état un bulletin "faible mais en net progrès" pour les nominations dans les conseils d'administration. Je dois maintenant changer mon bulletin en "faible et en régression".

La presse a annoncé la nomination de deux administrateurs: Henri Delwaide et Carine Doutrelepont. De ces deux personnes, la presse nous apprend les choses suivantes:

Henri Delwaide: "n’a pas derrière lui une longue carrière bancaire". Licence en droit, spécialisé dans le droit financier et des sociétés.

Carine Doutrelepont: "une proche d’Elio Di Rupo", il est vrai que Di Rupo est un expert dans le domaine bancaire. "l’histoire ne dit pas si elle a dû expliquer l’impact des swaps de taux d’intérêt sur le bilan d’une banque […]. Ces swaps qui ont tant compliqué la vie de Dexia et que peu de monde comprend. Y compris dans les conseils d’administration des banques.". Docteur en droit, elle enseigne le droit des médias et de la propriété intellectuelle et est spécialisée en droit international.

C'est triste comme description. Il y a en Belgique des experts en gestion des risques, en finance quantitative, en développements informatique dans la finance, en transactions bancaires, … Et pour beaucoup d'entre eux ces swaps dont il est question ci-dessus sont des instruments très simples et seulement la base de leur expertise, pas au-dessus de son sommet.

Comme je l'indiquais précédemment , il suffit de chercher un peu pour trouver des gens plus compétents. En faisant une recherche rapide sur internet j'ai trouvé des profiles bien meilleurs: belgium bank finance risk management trading quantitative phd

Mais peut-être le gouvernement et le chasseur de têtes ne disposent pas d'une connexion internet. Je me ferais un plaisir d'imprimer ces profiles et de leur envoyer pas pigeon voyageur s'ils le demandent.

Ajouté le 17 décembre 2012.
En lisant le document "Supervisory guidance for assessing bank's financial instrument fair value practices" écrit par le Comité de Bâle sur la Supervision Bancaire j'ai trouvé la phrase suivante à propos de la valorisation des instruments financiers.

Principe 2, page 4:
Management […] has a sufficient basis upon which to determine the appropriateness of the techniques used, the underlying assumptions and selection of inputs and the consistency of application.
Le management […] a une base suffisante sur laquelle il détermine la justesse des techniques utilisées, les hypothèses sous-jacentes et la sélection des données et la consistance d'application.
La traduction et l'accent sont de moi.
Non seulement la compréhension des éléments de base d'une banque, comme les swaps, devrait être naturelle pour toutes les personnes qui ont un rôle important dans ces institutions, mais c'est aussi une recommandation du Comité de Bâle sur la Supervision Bancaire.

La Belgique est un des membres de ce comité. Les membres du comité pourraient-ils réveiller le gouvernement belge et lui indiquer que la supervision des banques par les conseils d'administration est quelque chose de sérieux et doit être fait par des gens compétents?

Ajouté le 27 décembre 2012.
Entendu au spectacle "Sois belge et tais-toi!":
L'égalité des femmes sera réalisée quand une femme incompétente sera nommée à un poste important.
Voilà, c'est fait! Et merci qui?

mardi 4 décembre 2012

Actions, warrants et poudre aux yeux: un blindage en papier mâché.

L'Echo publiait (Echo 3 décembre 2012) récemment un petit article, intitulé "OPA sur Telenet: le CEO blinde sa neutralité" concernant le conflit d'intérêt de Duco Sickinghe, CEO de Telenet a propos des transactions de reprises par Liberty Global. J'ai du relire l'article cinq fois pour être sur de bien le comprendre tellement ce qui y est dit est ridicule. L'information écrite de manière très semblable est également apparue dans d'autres journaux. L'"article" consiste principalement en une réécriture du communiqué de presse.

En résumé,  Mr Sickinghe possède des actions (296,025) et des warrants sur actions (856,256) de Telenet. Il a donc un conflit d'intérêt clair dans les négociations. Il a intérêt a faire monter les enchères et orienter les choix vers une répartition qui l'avantage personnellement. Sur ce point tout le monde semble d'accord, y compris l'intéressé. Pour pouvoir prétendre qu'il est libre de tout conflit d'intérêt (ce qui serait à son honneur) Mr Sickinghe a pris les disposition suivantes (et c'est ici que cela devient ridicule). Il a crée un fondation (Stichting Administa-ratiekantoor) établie sous le droit néerlandais dont il est le seul bénéficiaire dans laquelle il a transféré toutes ses actions et warrants exerçables mais pas ceux qui ne sont pas encore exerçables ni les options sur actions.

Les warrants ne sont pas transférés sous le prétexte que n'étant pas exerçable immédiatement, il ne créent pas de conflit d'intérêts. Les options sur actions ne sont pas transférées car l'offre ne couvre pas les options mais seulement les actions sur lesquelles les options sont écrites! Mr Sickinghe est-il réellement incompétent sur les principes de base de la finance ou est-ce encore un de ces tours de magie comptable ou une règle prend plus d'importance que la réalité économique. Dans les deux cas cela ne m'inspire pas confiance dans la gestion par ce monsieur des finances d'une entreprise importante. Dire que les warrants qui ne sont pas exerçantes immédiatement ne créent pas de conflit est comme dire que d'un point de vue de la Saint-Nicolas, un enfant n'a aucun intérêt à être sage pendant l'année parce que il ne peut exercer sont droit à un cadeaux que le 6 décembre; son comportement le reste de l'année n'a aucun impact sur le résultat. Une proposition qui plairait peut-être à beaucoup d'enfants, mais même un enfant de 5 ans sait que ce n'est pas vrais!

Pour ce qui est des actions et warrant exerçables, il sont transférés à une fondation dont Mr Sickinghe est le seul bénéficiaire. Même si cela ajoute un couche d'opacité comptable, comme Enron le faisait si bien, cela ne change pas la réalité économique. La fondation sera gérée en toute indépendance (a priori on a pas de raison de douter de cette indépendance) par trois personnes "expertes" dans le domaine de la gestion qui pourront prendre toutes les décisions de gestion sans en référer et sans en informer Mr Sickinghe. Ces personnes connues dans le secteur de la gestion d'avoirs seront naturellement payées pour leurs services (en cash ou en publicité; je ne les nome pas pour ne pas leur faire de publicité gratuite). Jusqu'ici rien dans la description n'enlève le conflit d'intérêts initial. Du point de vue des gestionnaires, quel est la stratégie naturelle à suivre. La plus facile est de ne rien faire, attendre la fin des négociations et rendre le portefeuille inchangé. Le portefeuille inchangé veut dire conflit inchangé. Comme Mr Sickinghe n'est pas informé des changements du portefeuille et qu'il y a un possibilité non négligeable qu'il y ai encore des actions et warrants Telenet dans le portefeuille, son conflit reste bien présent. D'un autre coté si les gestionnaires vendent toutes les actions et tous les warrants et que les nouveaux investissement sous-performent, leur réputation, qui est la source de leur rémunération, en pâtira. Il n'est pas très difficile de deviner ou est leur intérêt.

Bien sûr il est facile de critiquer alors que ce monsieur fait son possible pour éviter un conflit d'intérêt apparent. Outre le fait que, comme expliqué ci-dessus, il n'évite en rien un conflit d'intérêts apparent mais essaye de donner l'apparence qu'il évite un conflit d'intérêt évident, il existe une solution beaucoup plus simple et beaucoup plus efficace. Il suffit à Mr Sickinghe de vendre tous ses titres Telenet et tous les warrants et options, exerçables ou non. C'est beaucoup plus simple que de créer une fondation et un mécanisme de gestion de celle-ci. Il suffit de prendre sont téléphone et de donner ordre à son banquier de tout vendre. Il y aura peut-être une petite difficulté car il y a sans doute une restriction juridique sur la vente de certains d'entre eux. Mais si c'est un obstacle juridique, ce n'est pas un obstacle financier. Son banquier se fera un plaisir de lui proposer des investissements qui économiquement sont équivalents à la vente des warrants mais pas juridiquement; c'est bien ce pour quoi l'ingénierie financière a été créée. Personnellement je propose une obligation reverse convertible sur Telenet (je sais la FSMA ne veut pas qu'on utilise le terme obligation pour décrire un obligation reverse convertible, mais il faut bien appeler un chat un chat).

En résumé un conflit d'intérêts évident qu'on essaye de cacher derrière une structure aussi inutile que complexe. Cela me rappelle d'autres montages foireux, comptables et en plusieurs couches.

Dormez en paix braves gens; on vous ment, on vous trompe mais en faisant semblant de ne pas le voir, cela n'est pas grave.

Et bien sût les journalistes et les "analyste financiers", qui n'ont qu'une compréhension très limitée des produits financiers et de la gestion des risques vous répètent ces mensonges sans s'informer.

lundi 3 décembre 2012

Tout ce que je veux pour Noel, c'est la vérité!

"Je suis plus stupéfait que jamais de l'habilité de ceux au pouvoir de mentir, tromper et obscurcir la vérité […]"

Traduction de http://www.zerohedge.com/news/2012-12-03/guest-post-all-i-want-christmas-truth

Sans commentaire!

Mais avec un lien vers un de mes blogs précédents: Econome avec la vérité!

vendredi 9 novembre 2012

Recapitaliser Dexia: un choix, pas une obligation

Le premier ministre a déclaré récemment que "Recapitaliser Dexia est une obligation, pas un choix". Ce propos et clairement erroné et j'irai même jusqu'à dire mensonger. A quelques semaines de l'assemblée générale extraordinaire de Dexia qui doit se tenir le 21 décembre 2012, cela vaut la peine de s'interroger sur cette recapitalisation.

Dire qu'il n'y a pas de choix est un double mensonge de la part du premier ministre. C'est d'abord contraire aux faits, il n'y a aucune obligation légale ou autre de faire cette recapitalisation. Les actionnaires d'une entreprise n'ont pas d'obligation au-delà de capital déjà investit. Ensuite c'est un mensonge car la possibilité de ne pas faire d'augmentation de capital et de laisser Dexia mourir de sa mort naturelle a été discutée explicitement par l'état et Dexia. Comme on dit dans les journaux, j'ai cette information de sources familières avec le dossier  qui souhaitent rester anonymes.

Les obligations du passé


Dire qu'il y a un choix ne veut pas dire qu'il est trivial. Le choix se fait sous contraintes, mais le choix existe. Les contraintes viennent du passé et proviennent des choix faits par les gouvernements successifs et les conseils d'administration de Dexia. A ce point il convient déjà de noté que notre premier ministre actuel, Mr Di Rupo, entre dans les deux catégories: il a fait partie des gouvernements de ces dernières années (directement ou indirectement) et partie du conseil d'administration de Dexia (voir ici).

Le gouvernement a engagé le pays par le passé dans la débâcle Dexia, à travers les garanties. La légalité de ces engagements doit encore être jugée par les tribunaux (si je me souviens bien il y a au moins une plainte contre ces engagements faits par un gouvernement en affaires courantes), mais d'un point de vue des marchés financiers, la Belgique a offert une garantie, si elle s'en dégage, même à travers les tribunaux, elle sera considérée comme en défaut de paiement. Si Dexia n'est pas re-capitalisée, cela aura un coût en garantie pour la Belgique. Le choix est donc soit de payer à travers la garantie, soit à travers une re-capitalisation à fonds perdus. Dexia n'ayant plus aucune activité commerciale en Belgique (et très limitées en France) l'impact est simplement financier et il n'y a pas de dysfonctionnement direct d'une banque de détail.

Sur ce point, je suis d'accord avec la commission Européenne, la recapitalisation est à fonds perdus et doit être considérée comme un dépense et non comme un investissement. A tous le moins la valeur de l'investissement doit être la valeur de marché après la recapitalisation. Mon pronostic est qu'il ne restera pas grand chose de cet "investissement".

La Belgique doit aussi tenir compte du fait que l'un des créditeurs important de Dexia est Belfius dont l'état est le seul actionnaire. D'un point de vue financier, il vaut sans doute mieux attendre que Dexia ait remboursé Belfius de la majorité des ses prêts avant de décider d'abandonner Dexia, si une telle décision est prise.

Comprendre les choix.


Je suis d'accord avec le premier ministre quand il dit que le gouvernement ne peut pas abandonner Dexia et s'en laver les mains, le gouvernement a pris des décisions dans le passé qui font qu'il ne peut pas se débarrasser du problème aujourd'hui. Mais je ne suis pas d'accord avec lui quand il dit qu'il n'y a pas de choix. Je voudrais voir un rapport clair des différentes possibilités avec leurs avantages et inconvénients. Mais qui peut écrire un tel rapport? Le gouvernement directement, les "experts" de la commission Dexia, Dexia elle-même, une banque d'investissement, ou quelqu'un d'autre? Passons les différentes possibilités en revue:
- Le gouvernement: les membres du gouvernement n'ont pas les compétences personnelles pour une telle étude. De plus il y a un conflit d'intérêts évident par rapport à ses décisions précédentes et un conflit d'intérêts personnel dans le chef du premier ministre lui-même (comme expliqué ici).
- Les "experts" de la commission Dexia: J'utilise les guillemets autour de "experts" car si ces personnes sont sans doute expert en quelques chose, elles ne l'étaient visiblement pas pour tous les aspects de l'analyse du dossier Dexia. J'en ai parlé dans mes blogs précédents (ici et ) et je suis toujours surpris que personne d'autre (politiciens, journaux) n'en parle.
- Dexia: Il y a là aussi un immense conflit d'intérêts. Le management actuel de Dexia est (bien) payé et a tout intérêt à faire durer la liquidation. Je ne connais pas beaucoup de patron de PME (c'est ce qu'est devenu Dexia holding aujourd'hui) qui sont payés 800,000 EUR/an sans risque et sans avoir investit un centime dans leur entreprise. Pourtant c'est le cas de Mr De Boeck, licencié en économie avec un grande dis, dont les faits d'armes sont d'avoir été CRO de Fortis qui a échoué pour avoir pris trop de risque et responsable de l'intégration ratée de ABN (voir ici).
- Banque d'investissement: là aussi il y a un conflit d'intérêts évident. Elles ont toutes directement ou indirectement des prêts, obligations ou des produits dérivés avec Dexia. Pour elles il est très utile que les pourvoirs publics supportent Dexia.
- Quelqu'un d'autre: mais qui? Ma proposition est de donner accès au dossier à des "citoyens experts", de manière assez large. Je ne pense pas qu'il y aura un nombre gigantesque de demande d'accès au dossier, surtout si on exige en retour un rapport avec un contenu minimum. Mais je vois bien quelques consultants proposer un rapport pour se faire un peu de publicité et quelques citoyens experts, comme des professeurs d'université ou des chercheurs avec des connaissance pointues, s'intéresser au dossier. Personnellement je me suis intéressé au dossier de la commission Dexia en allant à plusieurs auditions publiques (ici et ) et en lissant plusieurs rapports (opinion ici et la); comme c'est moi qui paye (un dix millionième de) la facture de la recapitalisation,  j'estime avoir mon mot à dire.

La raison des mensonges?


On peut se poser la question du pourquoi ces mensonges. J'y vois deux raisons:
- Pour tromper les électeurs: pour pouvoir dire, lors des prochaines élections: "c'est pas ma faute". De la part du premier ministre, c'est pour moi doublement da faute: 1) comme membre du conseil d'administration de Dexia qui a autorisé la croissance incontrôlée du bilan entre 2004 et 2007, ce qui a mené à la chute de 2007-2011; 2) il (comme président d'un parti au pouvoir et puis comme premier ministre) a participé aux négociations et aux choix faits.
- Pour tromper les marchés financiers: Dire explicitement que l'on songe a mettre Dexia en faillite n'est pas bon pour Dexia et pour l'état son garant. Mais personne n'est dupe, les décideurs financiers savent que ces discussions ont lieu. Si moi, depuis mon bureau et sans "insider information" j'ai une idée de ce qui se passe chez Dexia, il n'y a pas de doute que les banques et investisseurs institutionnels qui ont des contacts réguliers, invitent des membres du management au restaurant et recrutent des gens qui quittent Dexia ont de meilleures informations que moi.

Business plan?


Je voudrais voir un business plan de Dexia qui inclus des risques de défauts réalistes pour les obligations du portefeuille, un cout de financement sur le long terme réaliste et une couverture des risques réaliste. Et avec cela la sensibilité du plan aux hypothèses faites. Et le "coût de financement" doit inclure l'impact sur le financement de l'état des obligations supplémentaire ainsi créées. Si un tel plan montre qu'il y a intérêts a garder Dexia sur le long terme plutôt que de le mettre en faillite ou le liquider immédiatement, je suis prêt à le supporter. Il va sans dire que le plan doit être public, réaliste et convainquant, mais cela va encore mieux en le disant. En l'absence d'un tel plan et en présence des nombreux conflit d'intérêts dans le chef des décideurs, mon opinion est fortement en faveur de ne pas continuer a maintenir ce zombie sur le long terme. Ce n'est pas en se cachant la vérité et en la découvrant quand il est trop tard que le problème sera résolu efficacement. C'est ce que les dirigeants de Dexia (Mariani en tête et maintenant De Boek) on fait depuis 2008 et on en voit les conséquences.

En conclusion, je répète (presque) le titre:
Recapitaliser Dexia: un choix qui devrait être fait en connaissance de cause et non pas une obligation décrétée par des acteurs avec des conflits d'intérêts flagrants.

J'ai vu un troupeau terriblement dangereux de moutons dociles.
Paul Krugman - 1997

samedi 29 septembre 2012

Libor, liberté d'information et crédit hypothécaires.

Il a été beaucoup question des Xibor (Libor, Euribor, Tibor, …) depuis quelques mois. On a largement décrit en quoi ces indices ne sont pas vraiment des taux d'intérêts et comment les chiffres étaient imaginaires par définition. On a aussi décrit, mais pas aussi largement, comment un chiffre crée par un lobby pour une utilisation privée avait été utilisé dans beaucoup d'autres contextes par beaucoup de gens qui ne savaient pas exactement de quoi il s'agissait et prenaient ces chiffres pour des vérités (emprunts d'états, crédit hypothécaires, prêts à des entreprises, etc.).

Ce dont on a pas parlé du tout à ma connaissance est le fait que les chiffres Xibor sont non seulement inventés par un lobby privé mais aussi "secrets". L'utilisation de ces chiffres requiert une licence, payante bien évidemment. Par exemple le site du BBA Libor indique: "Recevoir ou utiliser les chiffres actuels ou historiques BBALIBOR requiert une licence". Le fait qu'il faut une licence pour utiliser ces chiffres renforce l'idée que les chiffres du Libor ne sont pas des faits mais des inventions artistiques protégées par un quasi copyright comme une oeuvre de fiction.

Les chiffres des indexes Xibor ne sont pas utilisés uniquement par le lobby bancaire mais également dans des contrats avec des parties extérieures: emprunt gouvernementaux, obligations d'entreprises, crédits hypothécaires ou autres. Si on lit le texte du site ci-dessus stricto sensus, vous n'êtes pas autorisé à connaitre le coupon payé par certains emprunts gouvernementaux ou le montant du payement de votre crédit hypothécaire si celui-ci est lié au Libor. Pour connaitre cela vous devez utiliser le chiffre du Libor et cela vous est interdit (sauf à payer une licence au lobby). Comment un indice peut-il être vu comme un indice de référence si chacun n'est pas libre de l'analyser comme il veut? Si une réforme du Libor et de ses cousins intervient, il est à espérer que ces indices deviendront vraiment public. En Angleterre, il semble que la FSA veuille prendre la direction du "nouveau Libor", mais je n'ai rien lu sur le caractère public des nouveaux indices.

En Belgique les crédits hypothécaires à taux variables ne sont en général pas liés à l'Euribor mais à un index d'emprunts de l'état belge publié par la FSMA. C'est probablement un bonne chose que les particuliers ne soient pas liés à des chiffres peu transparents mais à des chiffres plus officiels. Si ce système est plus transparent pour les particuliers, il est dangereux pour les banques. Elle ont des milliards d'avoirs (les crédit hypothécaires des particuliers) liés à des indices qu'elles ne maitrisent pas. Jusqu'à la crise de 2007, les taux de financement des banques et des états n'étaient pas extrêmement différents et la différence relativement stable. Se baser sur l'indice gouvernemental semblait acceptable pour les banques. Maintenant la différence de niveau de financement est bien plus large et plus volatile. Comment les banques ont-elles couvert ces risques? D'après mes informations, ma réponse est "mal ou pas du tout"! Le niveau de sophistication de la gestion des risques de crédits hypothécaires (souvent repris dans la gestion ALM) est bien moindre que celui utilisé dans les salles des marchés où des analystes quantitatifs et des traders gèrent les portefeuilles de produits dérivés. Pourtant les crédits hypothécaires sont peut-être les produits les plus compliqués des banques: risque de défaut des particuliers, risque indirects sur la valeur du bien immobilier, risque de taux d'intérêts, multiple options de pré-paiement par l'emprunteur, option sur les mouvement de taux (cap et floor sur les taux variables) et lien avec des indices gouvernementaux. Mais ces risques ne sont pas vraiment visibles dans les bilans des banques. Les prêts hypothécaires sont comptabilisés à la valeur nominale. Les pertes économiques ne sont pas indiquées au moment de la perte mais apparaissent au cours de la (très longue) vie des contrats. Une perte faite aujourd'hui sur un crédit vendu hier n'apparaitra peut-être dans la comptabilité qu'au cours des 20 prochaines années. Avec l'augmentation considérables des coûts de financement des banques par rapports au coûts de financement de l'état belge, c'est peut-être des centaines de millions de pertes pour les banques belges qui sont cachées dans leur bilan. Elle vont peut-être "saigner" ces pertes dans les 10 à 20 ans à venir. Il est à espérer que les régulateurs imposeront aux banques (et assurances) non seulement une meilleur gestion des risques des salles de marchés (bien qu'en Belgique il n'y a, à ma connaissance, jamais eu de catastrophe dans ce domaine) mais aussi des risques ALM. Si l'histoire récente (Fortis, Dexia) est un indicateur, ce n'est pas gagné!

Ce n'est pas sans lien avec les stress-tests bancaires qui étaient sensés analyser les pertes supportées par les banques avec des stress très peu stressant mais en plus qui ne s'appliquait pas au banking book avec l'excuse que la comptabilité de ces portefeuille est en valeur historique. N'importe quel mouvement de marché n'avait aucun impact sur la valeur comptable. Mais économiquement, cela voulait dire que les banques risquaient de perdre comptablement un peu d'argent chaque année pendant plusieurs années sans lier ces pertes à un événement particulier. Cela revient à interdire aux banques d'apprendre de leurs erreurs en les obligeant pas à ne pas reconnaitre leur erreurs. C'est ce qui ce passe en ce moment chez Dexia, mais cela est une autre histoire sur laquelle s'essayerai de faire un blog supplémentaire d'ici peu.

vendredi 14 septembre 2012

Demain on rase gratis!

Demain on rase gratis!

Des incompétents de la commission Dexia récidivent! Avec le rapport de la commission ils avaient "simplement" écrit un rapport remplis d'erreurs qui montrait leur incompétence en finance.

Maintenant ils veulent imposer cette incompétence à tous par le biais d'une proposition de loi avec un joli nom: le livret B.

L'auteur de ces incompétences à répétition: le députée Christiane Vienne, membre de la commission des finances et du budget.

En jargon de finance le livret serait un dépôt avec un intérêt de type CMS (avec la caractéristique CMS gratuite), avec un floor (gratuit) et une option sur le notionnel (gratuite). Malheureusement il n'y a pas de prime de fidélité! On me propose le beurre et l'argent du beurre. J'espérais avoir le sourire de la crémière en prime (de fidélité). Bon, avec le profit que je vais faire sur ce livret, j'irai faire des courses et je suis sûr que la crémière me fera un joli sourire.

Offrir un taux long terme sur le court terme, c'est la source de la crise des saving and loans  aux Etats-Unis (coût de 87.9 milliards d'après Wikipedia). Offrir un intérêt minimum de 2% quand le taux de la BCE est de 0.75%, c'est faire perdre potentiellement 1.25% x 25,000 EUR/belge x 10,000,000 belge = 3,125 milliards EUR aux payeurs! Bien sûr les déposants peuvent déposer et retirer le argent à n'importe quel moment, entre autres ils peuvent le déposer quand la différence entre le taux imaginaire et le taux réel est grande et le retirer quand cette différence est petite. Je me permets aussi de rappeler que l'euro est "fongible"; un euro est un euro. Comment trace-t-on l'argent pour savoir s'il "soutient l'économie réelle"? Cela reste un grand mystère pour moi.

On se souvient aussi que la commission Dexia avait critiqué ce même Dexia pour avoir offert des produits structurés exotiques à des pouvoirs locaux. Maintenant un membre de cette commission veut obliger toutes les banques à offrir à tous les particuliers ces mêmes produits structurés exotiques sans vérifier si ces produits sont adaptés pour lui. Comprenne qui pourra! La seule explication que j'ai trouvé est que cette personne ne sait pas de quoi elle parle. Si vous avez une autre explication, n'hésitez pas à m'en faire part pour que je puisse compléter ce post.

Comment une telle proposition peut-elle être faite? Que quelqu'un qui n'a aucune compréhension de la finance (comme il semble que ce soit le cas de cette dame) fasse une telle proposition le soir en buvant un verre, je veux bien. Mais qu'une telle proposition soit discutée au-delà, je ne comprend pas. Il n'y a pas d'"expert" au parlement (le rapport de la commission Dexia semblait indiquer que non)? Il n'y a personne qui a des connaissances de base en finance dans l'entourage du premier (sic!) parti de Wallonie?

Les réactions de Febelfin (déconnecté de la réalité) et du CEO de Keytrade Bank (on va tous fermer) me semble très modérées.

Moi je crie "au fou, empêchez la de nuire". Je sais, je suis très modéré aussi, mais c'est dans ma nature.

La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.
Albert Einstein


Espère-t-on résoudre les problèmes (financiers) de la Belgique en laissant toujours les mêmes s'en charger?

dimanche 2 septembre 2012

Complexité et régulation

Mon opinion sur l'effort nécessaire de la part des régulateurs est une simplification des règlements, basés sur des principes et pas des règles aveugles, et de meilleurs régulateurs. Une opinion que j'ai exprimée à de nombreuses reprises, en particulier sur ce blog.

Je suis heureux que mon opinion sur la simplification des réglementations soit partagée par d'autres. En particulier Andrew Haldane de la Bank of England semble avoir une opinion similaire, comme rapporté sur Zero Hedge: Spot The Odd One Out: Fire, Complexity, Debt

Sa conclusion (ma traduction):
La finance moderne est complexe, peut-être trop complexe. La régulation de la finance moderne est complexe, presque certainement trop complexe. Cette configuration signifie des troubles. On ne combat pas le feu par le feu, on ne combat pas la complexité par la complexité. Parce que la complexité crée de l'incertitude, pas du risque, elle requière une réponse régulatrice ancrée dans la simplicité, pas dans la complexité.

dimanche 12 août 2012

Valeurs comptables et finance quantitative

Un certain nombre d'articles affirment plus ou moins directement que l'utilisation de modèles de finance quantitative a engendré une partie de la crise,  a caché l'émergence de celle-ci ou ne sert à rien.

Quelques-unes de ce affirmations sont:

"modèles mathématiques[…] pour la valorisation de certains produits […] ne servent pas à grand-chose": http://www.lesoir.be/actualite/economie/2012-08-04/roland-gillet-la-roche-m-apaise-et-protege-la-vie-des-miens-930443.php

"modèles ont été impuissants face à la crise": http://www.liberation.fr/economie/0101615452-les-enseignements-de-la-crise

"les mathématiques, par la complexité et les lacunes de leurs formules d'évaluation du risque, sont largement responsables de la crise financière": http://www.paristechreview.com/2010/06/07/le-mea-culpa-des-maths-a-la-finance-pas-encore/

La comptabilité cache la vérité


Je voudrais au contraire argumenter que c'est la comptabilité officielle qui cache la vérité et qu'une approche de la comptabilité plus proche des idées de la finance quantitative donnerait une meilleure vision de la réalité des entreprises financière (banques et assurances). Mon argumentation va dans le sens de changer d'une comptabilité "précisement erronée" en une comptabilité "approximativement correcte".

En comptabilité, la valeur de la plupart des avoirs et des dettes est calculée avec des prix historiques ou à la valeur de marché. La comptabilité est sensée représenter une valeur en continuité de l'exploitation (going concern). Mais en même temps il n'y a pas de vision de cette exploitation. La comptabilité est sensée être basée sur des règles exactes mais en même temps certaines de ces règles peuvent être facilement contournées (comme la différence banking/trading books).

En finance quantitative la valeur est basée sur le coût de répliquer les produits financiers en question. Des stratégies de réplication qui fonctionnent pour "tous les états de l'économie" sont proposées. Ces stratégies sont basées sur des modèles avec des hypothèses dont certaines peuvent ne pas être vérifiées en réalité. La valorisation est basée sur une description du future et est valable quelque soit le future.

La finance quantitative est basée sur des hypothèses et des approximations mais une stratégie sur le long terme, en ligne avec la continuité d'exploitation, est proposée : la valeur est "approximativement exacte". La comptabilité est basée sur des règles, sans rapport avec la réalité future : la valeur est "précisement erronée".

En pratique


Qu'est ce que cela donne pour la valorisation d'une institution financière comme Dexia? Actuellement, valeur comptable dépend de la valeur (réglementaire) du jour des avoirs et des dettes. Les avoirs sont à long terme et les dettes à court terme. Quelle est la stratégie sur le long terme de la société? Supposons qu'elle emprunte à un taux donné qui est plus élevé que ce que les avoirs rapportent, il y a donc une perte systématique, sauf évolution favorable des marchés.  Dans une vision comptable, les dettes ont comme valeur leur notionnel (ou presque) car elles sont à court terme, les avoirs ont leur valeur d'achat ou leur valeur de marché. La valeur d'achat est sans rapport avec le future, elle ne sert donc a rien. La valeur de marché est, de manière simplifiée, la valeur espérée si on garde l'avoir jusqu'à maturité. Mais comme les dettes sont a court terme, il n'y a pas moyen de garder les avoirs jusqu'à maturité sans emprunter régulièrement. Pour une société en perdition, ces emprunts se font avec des marges élevés. Ces marges qui sont implicites dans la continuité de l'exploitation de la comptabilité ne sont pas prises en compte (ne sont pas comptabilisées).

Dans une vision de finance quantitative on ferait des hypothèses (à travers un modèle) sur les marges, sur les remboursements et défauts des avoirs, dépendant de l'état de l'économie, on achète des protections pour éviter des résultats trop extrêmes et on actualise les cash-flow résiduels (paiement des avoirs moins payements des dettes). On a besoin d'hypothèses mais au moins c'est une vision cohérente. Le financement nécessaire pour garder les avoirs est pris en compte. Pour une vision plus élaborée, on fait différents scénarios en changeant le type de modèle ou ses paramètres. On n'obtient pas un chiffre exact;  on obtient un chiffre réaliste mais imprécis avec un idée de l'imprécision donnée par les différents scénarios.

Complexe?


Cette dernière approche peut sembler complexe, impossible à mettre en oeuvre en pratique ou qui prendrait des semaines de calcul. Pour la complexité, je suis d'accord, la gestion du bilan d'une banque est complexe; on ne peut échapper à cette complexité. Pour ce qui est de la mise en pratique et du temps de calcul, cette approche est déjà en place et utilisée par … les trader des banques. Les desks de trading utilisent exactement cette approche pour gérer les portefeuilles de produits dérivés et d'options en particulier. Ces stratégies et scénarios font partie de l'approche "finance quantitative" utilisée pour la valorisation et la couverture des options. A ma connaissance il n'y a pas eu de banque qui ont subi des pertes gigantesques en utilisant ces techniques. Les pertes gigantesques des banques/assurances viennent de fraudes (Baring-Leeson, SocGen-Kerviel, UBS-Adoboli, Sumitumo-Hamanaka, etc.) ou de décision du management d'ignorer ce que disait ces techniques en prenant de grands risques (Dexia, AIG, JP Morgan, Fortis, etc.). Il y a eu des pertes certes mais de taille acceptable par rapport à la taille des banques : quelques dizaines ou centaines de millions, mais pas des milliards.

Pour un portefeuille d'options géré de manière sérieuse, ces valorisations et scénarios sont calculés plusieurs fois par jour : en presque temps réels pour les risques de base et peut-être seulement de manière quotidienne pour les scénarios extrêmes. Malheureusement ces demande (légitimes) de qualité pour une partie de la banque (le trading) n'est pas souvent étendue à l'ensemble de la banque. Les crédits hypothécaires, qui contiennent beaucoup d'options de limitation des taux (caps/floors) et d'options de remboursement anticipés (swaptions Bermuda), sont souvent traités de manière simpliste. Les portefeuille d'investissement (banking book) ne sont pas soumis à autant d'attention et c'est ce banking book, enflé par le management composé de juristes et d'économistes, pas d'analystes quantitatifs, qui a crée les problèmes chez Dexia.

Proposition


Ma proposition n'est pas de remplacer la comptabilité telle qu'elle est pour le moment pas une nouvelle comptabilité. Qu'on utilise des calculs exacts, mais sans intérêt pour l'évaluation de l'entreprise, pour le calcul des taxes ne me gène pas. Sur le long terme, si la compagnie survie jusque là, le profit total calculé et donc les taxes seront les mêmes. Ma proposition est que les régulateurs obligent les entreprises financières à avoir une vision à long terme et une stratégie pour leur bilan, soient transparentes à ce propos et publient les résultats de ces analyses. Savoir qu'une institution va devoir payer pendant 10 ans une marge entre ses dettes et ses avoirs est plus éclairant sur sa santé que de savoir à combien elle a acheté ses avoirs et qu'elle est le montant de ses dettes.

Une critique vis-à-vis de ces approches de finance quantitative est la difficulté et le coût de leur mise en place, que seuls les plus grandes institutions pourraient se permettre. Ces difficultés et coûts sont très relatifs. Pour la difficultés, il y a des experts  en Belgique (comme je le mentionnais ici); il "suffit" de leur donner suffisamment de responsabilité et de leur offrir des conditions de travail intéressantes. Pour les coûts, ils sont importants pour un particulier, mais pour une institution, ils peuvent être de l'ordre de grandeur du salaire du CEO. Il existe des plate-formes open sources de grande qualité dans ce domaine: depuis le système d'exploitation Linux (RedHat), les outils de développement (Eclipse), la gestion des risques (OpenGamma) jusqu'au trading à haute fréquence (Marketcetera).

Priorités


Mais comme d'habitude il faut que les régulateurs et les managements comprennent ces priorités et leurs implications. J'en parle régulièrement (ici et pour les régulateurs et ici et pour le management), mais je n'ai pas vu de changements significatifs ces dernières années.

mardi 17 juillet 2012

Soyons négatifs: le retour!

Il y a quelque temps je parlais dans mon post Soyons négatifs! des taux d'intérêts négatifs. J'ai le plaisir d'annoncer que la Belgique a aujourd'hui rejoint le club fermé des pays émettant de la dette à des taux négatifs.

Je sais, je n'y suis pour rien (ou si peu), mais c'est néanmoins un plaisir. Ce n'est que pour une émission à trois mois mais ce n'est pas si mal. L'Allemagne émet à des taux négatifs jusqu'à deux ans et la Suisse jusqu'à quatre ans. On peut donc encore faire mieux.

Les résultat de l'adjudication de ce mardi 17 juillet se trouvent sur le site de l'Agence de la Dette: http://www.debtagency.be/fr_products_tc_results.htm

dimanche 15 juillet 2012

Taxe sur les Transactions Financières: lecture de documents de la commission européenne

Dans des blog précédents, j'ai fait des prédictions sur la Taxe sur les Transactions Financières (TFT) et des commentaires sur un article assez "léger" sur cette même taxe.

J'ai récemment télé-chargé des textes disponibles sur le site de la commission européenne pour voir les textes originaux. Je suis assez déçu du résultat (mais avec l'expérience, pas vraiment surpris de cette déception).

Avant de commencer mon analyse, je dois mettre en avant un conflit d'intérêt par rapport à cette taxe. Je suis un citoyen belge qui paye des taxes en Belgique et qui souhaite y vivre agréablement. Un choix politique qui y diminue la qualité de vie m'affecte personnellement. C'est avec cet intérêt personnel à l'esprit que je donne mon avis.

Objectifs: description


D'après les documents (1), le but premier de cette taxe est de
  • a) "créer un nouvelle source de recettes" pour la commission européene.
Elle rentre aussi dans le contexte plus général de réforme réglementaire du secteur financier avec quatre objectifs
  • b) améliorer la surveillance du secteur financier
  • c) renforcer les établissement financiers
  • d) fournir un cadre pour la résolution des défaillances
  • e) rendre les marchés financiers plus sûrs et plus transparent et accroitre la protection des consommateurs.

Il y a aussi dans l'introduction le but de "mettre en place les mesures appropriées pour décourager les transactions qui n'améliorent pas l'efficience des marchés". Ce but semble bizarre. Je comprends, dans un certain contexte, qu'on veuille décourager les comportements qui diminuent une efficience, mais pour ce qui de ceux qui n'ont pas d'impact, je dois avouer mes doutes. Peut-être devrait-on aussi décourager les jeunes de jouer au tennis, car les parties de tennis "n'améliorent pas l'efficience des marchés"!

Définitions?


Dans ce blog j'utilise le terme "produit dérivé" intentionnellement de manière très vague. Il n'y a pas de mon point de vue de définition précise et acceptée par tous de ce terme.

Le texte lui même, dans l'Article 2 donne des "définitions". Le point 1. 3) est " "contrat dérivé", tout instrument financier défini à l'annexe I, section C, point 4) à 10), de la directive 2004/39/CE". Le problème est que l'article du document référencé ne donne pas une définition mais une liste et que cette liste contient "et tous autres contrats dérivés[…]". Non seulement ce n'est pas une définition au sens strict du terme mais une liste, mais en plus cette "liste" est auto-référentielle: un contrat dérivé est quelque chose ou un contrat dérivé!

A l'origine, le terme "dérivé" faisait référence à une méthode de valorisation, à la situation où un modèle donne la valeur d'un instrument à partir de la valeur d'autres instruments: on dérive le prix à partir d'autres prix et d'un modèle. Le qualificatif de "dérivé" est dans l'oeil de celui qui regarde, pas dans le produit lui-même. Un des articles les plus célèbres dans le domaine de la valorisation d'instruments financiers est celui de Black et Scholes "The Pricing of Options and Corporate Liabilities". La formule justifiée (2) dans l'article est sans doute une des plus utilisées pour les produits dérivés. Comme indiqué par le titre de l'article, le but est la valorisation des dettes des entreprise, c'est-à-dire les obligations, à partir d'autre valeurs (actions et dettes sans risque). Dans le sens originel décrit ci-dessus et dans le sens de Black/Scholes, les obligations d'entreprise sont des produits dérivés.

Le texte définit aussi le "montant notionnel" sur lequel la taxe s'applique pour les dérivés par "le montant nominal ou facial utilisé aux fins de calcul des paiement liés à un contrat dérivé donné". La définition n'en est pas une car elle suppose un "montant nominal" mais il n'est pas certain qu'il existe. On propose un calcul basé sur quelque chose mais on oublie de vérifier que ce quelque chose existe!

Prenons quelque exemples: "A paie à B un montant en EUR égal à 1000 fois le chiffre de l'indice Bel 20". Est-ce un produit dérivé ou non? Quel est le "montant notionnel"? Deux questions simples sans réponse. "A paie à B un montant en EUR égal à 1000 fois la quantité de pluie, mesurée en cm, au-dessus de la moyenne mensuelle mesurée sur les 10 années précédentes". Quel est le "montant notionnel"? Et si la mesure est faite en mm, le notionnel est-il le même?

Payement juste des taxes


Dans ce paragraphe je donne quelques exemples  de produits qui mène à un payement "juste" de la taxe ;-) (3)

On peut cacher le paiement dans le collatéral: Prenons deux contrats: Contrat A. "Option payable en cash avec un prix d'exercice de 1 EUR sur l'action BNB (4) et une date d'exercice dans 10 ans." Contrat B: "CSA (Credit Support Annex) (4); le collatéral pour le contrat A sera de 1 action BNB et la différence (positive ou négative) en cash." Ces deux contrats sont équivalents à l'achat de l'action et un emprunt au jour le jour du montant (pour 10 ans). On peut renverser l'emprunt par un prêt similaire. Au total on a vendu le bénéfice financier de l'action avec un produit dérivé et un prêt. La taxe est celle d'un produit dérivé, pas celle de la vente d'une action. Je suis certain que c'est ce que les législateurs avait à l'esprit comme taxe pour ces transactions, puisque c'est ce qu'ils ont écrit!

Il est possible d'écrire une transaction financière comme un prêt (sans taxe). Avec les nouvelles règles qui obligent certains produits dérivé à être liquidés de manière centrale, certains ont déguisé des swaps en prêts (6). Il assez facile de déguisé un produit financier en prêt pour lequel aucune taxe n'est due. Les implications des règles sur certaines transactions sont tellement à l'encontre de la raison économique pour laquelle ces transactions ont été créées au départ, c'est-à-dire fournir un service efficace au client, que les transactions sont rendues plus compliquée pour éviter la règle et donc ses conséquences. La règle est telle que le service avec la règle a moins de valeur que pas de service. Je suis certain que c'est ce que les législateurs avait à l'esprit comme taxe pour ces transactions, puisque c'est ce qu'ils ont écrit!

Il est aussi possible d'écrire une suite de transactions comme une transaction unique. Pour des besoins réguliers de couverture d'un taux d'intérêt, on peut faire un contrat long terme qui couvre ces besoins potentiels. Contrat entre A et B sur 10 ans avec révisions tous les trimestres pour un montant notionnel de 1 million d'EUR. Chaque trimestre, A propose un chiffre maximal entre un dixième du notionnel et 10 fois le notionnel; B choisi un chiffre inférieur au chiffre maximal proposé; sur le chiffre ainsi choisi, A paye un taux égal au fixing Eoniaswap 3M et B paye le taux Eonia composé sur le trimestre suivant. Bien sûr, on ne paye qu'une seule taxe. Tous les trois mois, pendant 10 ans, A peut couvrir son risque de taux avec B en ne payant qu'une taxe.

Le document indique également que la taxe devra "entraîner une charge fiscale adéquate". Prenons une couverture par des swaps EONIA d'une semaine du taux au jour le jour. La taxe est de 0.01% pour chaque swap. Si on renouvelle le swap hebdomadairement pendant un an, cela fait environ 0.50% de taxe. Le taux d'intérêt pour un swap EONIA de un an, qui correspond en quelque sorte au taux estimé pour la période, est environ 0.10%. La taxe est donc 5 fois le taux d'intérêt couvert. Il y a également dans le document un exemple d'un repo (repurchase agreement) d'un jour pour un notionnel de 10 millions EUR. L'intérêt à payer sur une telle transaction serait environ, au taux actuel, de 25 EUR. Mais la taxe serait de 20,000 EUR, soit 800 fois supérieure à l'intérêt payé! Payer une taxe annuelle de 5 à 800 fois supérieure à la valeur estimée du bien que l'on cherche à assurer est-elle "adéquate" et juste? Poser la question c'est y répondre. Les "repo"  à court terme sont un des seuls moyens par lequel les banques se prêtent encore des liquidités entre-elles.

Une des seules règles que j'ai vu a ce propos du nom de produits financiers est une règle belge qui interdit certains produits d'être nommés "obligation", en particulier les obligation "reverse-convertible"; je suppose que cela veut dire aussi qu'il est interdit de taxer ces produits comme tels. Ces produits seront donc taxés comme des produits dérivés et pas comme des obligations.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais


Bien sûr la taxe s'applique à tout le monde, sauf à ceux qui décident de la taxe. La directive ne s'applique pas aux entités: Fonds européen de stabilité financière, toute institution financière internationale, la BCE, les banques nationales, la BNB (4), etc.

Certaines de ces institutions sont déjà en compétition avec des entreprises privées et en général ne payent pas de taxe sur leurs bénéfices, mais en plus on veut leur donner un avantage substantiel sur chaque transaction.

Simple?


Le texte prétend que la description de la taxe est choisie pour être simple et facile a mettre en oeuvre. Seuls des gens qui n'ont pas d'expérience de la finance peuvent faire une telle déclaration. Des milliers de gens extrêmement compétent avec des CV académiques et pratiques longs comment des bottins de téléphones passent des milliers d'heures à décrire les finesses de produits financiers et des novices prétendent que c'est simple! J'ai passé pas mal de temps dans la finance, je n'ai jamais vu une étiquette sur les produits financiers avec "produit dérivé" ou "obligation" inscrit dessus. Sur beaucoup de produits, il n'y a pas de "notionnel" indiqué. C'est un terme utilisé de manière vague, potentiellement de manière conflictuelle par différents acteurs et pas pour toutes les transactions. Il faudra des centaines de fonctionnaires avec des compétences en finance pour lire tous les contrats sur les transactions financières pour décider, arbitrairement, dans quelle catégorie une transaction se trouve et quel est son "notionnel" ou son "prix". Très simple en effet!

Impacts


Dans un document annexe sur les impact d'un telle taxe, la transformation d'un certain nombre de teneurs de marché ("market-makers"; qui effectuent les transactions avec les clients pour leur compte propre) en "broker" (qui mettent en relation des parités qui ont des demandes opposées) est décrite comme quelque chose qui "ne change pas la substance économique". Qu'en est-il? Avant vous vouliez acheter des actions UCB, vous alliez au guichet de votre agence et le préposé vous donnais un prix, que vous acceptiez ou non. Maintenant, le préposé vous propose d'attendre dans la salle d'attente jusqu'à ce qu'un autre client vienne à la même agence pour vendre ses actions UCB. Cela semble un peu exagéré? Mais c'est exactement l'impact. Si la banque fait la transaction elle-même, elle n'est pas sur de trouver une contrepartie (les teneurs de marché n'existent plus). La proposition mentionne explicitement toutes les transactions sur action et ce y compris les transactions intra-groupe. Dépendant de la structure juridique de la banque, cela pourrait s'appliquer aux transactions entre une agence et le siège central. Donc il y aurait une taxe client/agence, une agence/siège, une siège/acheteur extérieur. La disparition du service de "sur mesure" offert pas les teneurs de marchés vous oblige à trouver un vendeur qui a exactement la même taille que vous et qui veut vendre un costume de la couleur que vous chercher. De fait cela ne "change pas la substance économique".

La taxe est applicable pour la "conclusion ou la modification de contrats dérivés", donc en particulier pour une annulation (close-out). L'annulation potentielle est une partie importante du bon fonctionnement des marchés. Elle permet d'éliminer les transactions devenues redondantes (netting). Par exemple la société TriOptima offre un service très utilisé d'annulation. Elles permettent de diminuer les risques de marché, de crédit et opérationnels des banques. Taxer les annulation c'est inciter les banques a conserver les risques existants.

Le document indique que le design de la taxe aura un impact important sur les délocalisations des transactions et mentionne explicitement la taxe en Suède et la taxe au Royaume-Uni. Cette référence est intéressante. L'impact de la taxe en Suède, globalement assez similaire à celle proposée bien que inférieure, a été la diminution de 85% du volume de transaction des obligations, de 98% des futures et de la disparition de celle des options (http://en.wikipedia.org/wiki/Swedish_financial_transaction_tax). Le montant récolté par la taxe a été de 5% de celui espéré. Pour ce qui est de la taxe du Royaume-Uni, comme je le mentionnais précédemment, elle est très différente de la taxe "européenne" car elle ne s'applique pas aux institutions financières mais principalement aux particuliers. La conclusion des exemples mentionnés dans le texte semble évidente.

Dans les chiffres de l'analyse d'impact, les chiffres cités sont une diminution entre 70% et 90% du volume des transactions. Cela veut dire que implicitement les auteurs estiment que 90% des transaction financières sont néfastes ou au mieux inutiles!

Objectifs: revue


Les conséquences qui vont dans le sens des objectifs déclarés de la taxe:
  • a) La taxe crée des rentrées financières pour la commission européenne.

Les "objectifs" non mentionnées dans le reste du texte:
  • b) Pas d'impact sur la surveillance.
  • d) Pas d'impact en cas de défaillance (sauf des impacts indirects négatifs mentionnés dans e) ci-dessous).

Les conséquences qui vont à l'encontre des objectifs
  • a) Comme indiqué dans le document, la taxe aura des effets potentiels négatifs sur l'économie. Ces effets auront eux-mêmes des effets négatifs sur les autres taxes. Il y aura donc une diminution d'autres rentrées de taxes, mais la communauté européenne ne considère peut-être pas ces dernières comme son problème.
  • c) La disparition (au minimum diminution) des teneurs de marché va déforcer les établissements financiers secondaires qui utilisent ces fournisseurs de services pour diminuer le risque de leur bilan.
  • e) Taxer les annulation est clairement à l'encontre de la diminution des risques.
  • e) La disparition des teneurs de marché est une mauvaise chose pour la transparence et pour les clients.
  • e) La taxation gigantesque (dans l'exemple de la commission, la taxe est 800 fois l'intérêt payé) des "repos" va diminuer les prêts de liquidités inter-banques.

Conclusions


Après la lecture de ces documents, mes conclusions et prédictions précédentes n'ont pas changé. J'y ajouterai que j'ai l'impression que les documents on été rédigés par des amateurs et que certaines objections vis-à-vis de la proposition sont connues mais simplement ignorées.

Notes


(1) Document référencé "COM(2011) 594 final" du 28 septembre 2011 avec comme titre "Directive du conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE

(2) La formule était connue et utilisée en pratique par certains bien avant la publication de l'article. Mais l'article en propose la justification et surtout une technique générale pour la valorisation de produits similaires. De mon point de vue la qualité de l'article est dans la preuve de l'existence d'un prix (unique) plus que dans la formule elle-même qui d'un certaine façon peut-être mise en relation avec la thèse de Bachelier "Théorie de la spéculation" datant de 1900.

(3) J'accepte de fournir des services de conseil pour un payement "juste" de la taxe si on me fait une proposition intéressante ;-)

(4) La Banque Nationale de Belgique est une société anonyme cotée en bourse. Ce n'est pas un service public mais une société à but lucratif.

(5) CSA (Credit Support Annex): accord de collatéral.

(6) Voir par example l'article de Risk magazine du 24 mai 2012: "Dealers pitch loan format for swaps as CVA dodge".

dimanche 17 juin 2012

Publicité financière: encore et toujours des erreurs

J'ai reçu de Belfius banque une publicité pour un produits d'investissement. Une fois de plus je suis sidéré des erreurs qui apparaissent dans ce genre de documents et qui ne sont pas sans me rappeler le rapport de la commission Dexia de la chambre qui contenait également des erreurs à la pelle.

Cette publicité pour un produit d'investissement (dont le nom est sans intérêt) contient les indications suivantes: "[…] les taux à long terme (mesurés sur la base des taux CMS, Constant Matirity Swap, à 10 ans) […] sont supérieur ou égal à 2,10% […]" et "Le taux CMS (Constant Maturity Swap) à 10 ans est un taux, exprimé en pourcentage, auquel les banques se prêtent entre elles […] pour une durée de 10 ans."

Cela fait trois erreur grossières en deux lignes:

  1. Les taux de références sont les taux swaps (fixe contre Euribor) et non les taux CMS. La différence entre les deux est significative et le fait que le taux des swaps est utilisé dans les CMS ne les rend pas égaux.
  2. Les taux swap ne représentent en rien un taux auquel les banques se prêtent mais le taux d'un produit dérivé sans aucun prêt sous-jacent et certainement pas à 10 ans. Les taux swaps eux-mêmes réfèrent à Euribor dont je parlais dans un blog récent.
  3. Si le taux est exprimé en pourcentage comme indiqué, un taux de 2,10% et un taux de 0,000210 en relatif (2,10% de 1%). Je doute que ce soit une description honnête du produit.
La question qui se pose est comment cela est-il possible dans une banque? Ces produits sont proposés par des structureurs, analysés par la banque de détail et le marketing, distribués par les agences, font l'objet d'un contrat de couverture entre l'assurance et la banque. Cela fait un nombre important de personnes qui sont impliquées et personne n'a corrigé les erreurs. Est-ce un manque de compétences généralisé où un produit que personne ne comprend est passé d'un service à l'autre? Est-ce une négligence systématique où personne ne se sent responsable du produit fini? Dans tous les cas cela fait peur.

Vous me direz peut-être que je parle trop de Dexia/Belfius et pas toujours en bien. Vous avez certainement raison; ils apparaissent bien trop dans la presse et ils m'envoient de la publicité. Je serais très heureux d'en parler plus positivement, s'ils engageaient dans le comité de direction ou le conseil d'administration des gens plus compétents ou s'il proposaient des produits originaux et utiles. Par exemple je parlerai positivement de la première banque en Belgique qui offrira des bons de caisse ou des crédit hypothécaires liés à l'inflation. Malheureusement, pour le moment je n'ai rien de positif à dire et j'en suis bien navré.

J'ai contacté la FSMA pour leur demander ce qu'ils pensaient de cette publicité. Je vous tiendrai au courant si je reçois une réponse.

Ajouté le 30 juin 2012: Je n'ai toujours pas reçu de réponse, ni de la FSMA ni de Belfius.

Ajouté le 16 juillet 2012: Je n'ai toujours pas reçu de réponse, ni de la FSMA ni de Belfius et cela malgré l'envoi d'un email de rappel. Encore une fois est-ce un manque de compétence dans la compréhension des produits bancaires ou un manque de compétence dans la gestion des plaintes? Je ne connais pas la réponse mais quelle qu'elle soit elle me fait un peu peur.

Ajouté le 28 juillet 2012: J'ai finalement reçu une "réponse" de la FSMA. Je mets des guillemets à réponse car la partie la plus importante du message est "Nous tenons à vous remercier de nous avoir fait part de vos remarques." Mais pour ce qui concerne une confirmation ou infirmation de mon analyse ou les mesures prises pour changer les choses: rien. J'ai bien sur demandé leur opinion sur ces deux points. Comme d'habitude, je vous tiendrai au courant.

S'il faut plus d'un mois pour un accusé de réception, je ne demande combien de temps il faudra pour une réponse digne de ce nom.

Cette réponse tardive et vide de contenu renforce mes craintes exprimées ci-dessus.

mercredi 16 mai 2012

Banque Centrale Européenne et Fond Monétaire International: quelques choix surprenants!

Depuis la crise qui a commencé en 2007, la BCE et le FMI sont apparus dans la presse plus que par le passé. J'ai relevé quelques choix surprenants ou dont les implications ne sont pas toujours mises en évidence. Je me permet aussi quelques suggestions.

Long Terme Refinancing Operation (LTRO): drôle de formule et option.


Il y a un appel par beaucoup à des produits financiers plus simples. Je suis en faveur de cet appel (mais peut-être pas avec le même définition de "simple" que tout le monde). Il semble que la BCE n'a pas entendu l'appel. Elle a choisi une formule pour le moins surprenante pour son injection de liquidité LTRO (j'en parlais déjà dans mon blog sur ces prêts). La formule est étrange à la fois pour la manière dont les intérêts sont calculés et par les options inclues dans les prêts.

Les prêts ont une maturité maximale de trois ans. Le taux est variable et révisé toutes les semaines. Le taux hebdomadaire est le taux des Main Refinancing Operations (MRO). Les MRO sont également hebdomadaires, donc jusque là rien de surprenant. Mais c'est ici que les choses surprenantes commencent. Le taux hebdomadaire n'est pas payé de manière hebdomadaire mais à la fin du prêt. Normalement l'intérêt est payé à la fin de la période de référence. Les payer plus tard est un avantage. Mais calculer la valeur de cet avantage n'est pas facile. Dans le jargon de la finance quantitative, l'ajustement à faire est appelé un "timing adjustment" ou "convexity adjustment". Cela fera du travail supplémentaire pour les analystes quantitatifs; d'un autre coté je doute que les banques prendront en compte tous ces détails pour la valorisation dans leur bilan et pour la gestion ALM.

Ensuite il y a l'option inclue dans les prêts. Les banques ont le droit après un an et chaque semaine de rembourser anticipativement le prêt. Il y a donc une option composée avec 104 possibilités (2x52 semaines) de payement (dans le jargon de la finance quantitative ce type d'option est appelée option Bermudéenne). Cette option est similaire au droit de remboursement anticipé des prêts hypothécaires, si ce n'est qu'il n'y a pas de pénalité comme les "indemnités de réemploi" des prêts hypothécaires. Si les intérêts étaient payés toutes les semaines, cette option serait uniquement une option de liquidité. Avec la formule étrange des intérêts, cela devient aussi une option de taux. La pénalité pour le payement anticipé est que la banque doit payer les intérêts accrus immédiatement; la date de payement des intérêts de la première semaine est inconnue jusqu'à la maturité du prêt, qui peut être remboursé n'importe quelle semaine entre un an et trois ans. Cela fera un peu plus de travail pour les analystes quantitatifs; mais comme pour le premier ajustement, je doute que les banques prendront en compte ces détails. La valorisation des options des crédit hypothécaires est faite de manière assez simpliste (pour utiliser un euphémisme) dans la plupart des banques, il serait surprenant qu'un effort particulier soit fait pour ces nouvelles options.

Comme suggestion assez évidente, je proposerais à la BCE de demander un payement hebdomadaire des intérêts. Cela serait plus naturel et honnête par rapport aux MRO. Cela éliminerait les formules compliquées et les options qui en découlent.

LTRO: dette bancaire subordonnée.


La liquidité offerte par la BCE est souvent présentée comme peu onéreuse et inconditionnelle. J'ai déjà parlé de la question du peu onéreux dans un autre blog. Le coût est clairement assez élevé, financièrement et en terme de stigmates. Une autres parties de l'impact de ces prêts et la subordination des dettes bancaires. La BCE demande du collatéral pour garantir les prêts. Le collatéral doit être des obligations enregistrées et bénéficiant d'une notation (en général de la part des agences de notations). La BCE demande aussi une valeur du collatéral supérieur au montant du prêt ("haircut"). Le collatéral est conservé par la BCE en cas de non remboursement du prêt. La conséquence pour les autres obligations des banques est qu'elles sont subordonnées aux demandes de la BCE.  Ces autres obligations comprennent les obligations vis-à-vis des autres banques, des fonds, des investisseurs divers et … des particuliers. En cas de défaut d'une banque qui a des prêts LTRO auprès de la BCE, le collatéral est saisi par la BCE et la BCE est remboursée à 100% (pour autant que la BCE ait estimé la valeur de ce collatéral correctement). Les autres débiteurs viennent après pour le payement des dettes. Prenons un exemple simple: une banque avec un bilan de 100 milliards qui a un capital de 20 milliards, emprunté 20 milliards en LTRO, et les 60 autres dans le marché (y compris les dépôts de ses clients). Supposons que la banque fait faillite avec une valeur d'avoirs de 50 milliards. Si il n'y a pas de "subordination" par la BCE chaque créditeur reçoit 5/8 (50 milliards/80 milliards) de son du. Donc si vous avez 8000 EUR sur votre compte d'épargne vous en récupérez 5000 EUR (sans prendre en compte la garantie d'état). Si on prend en compte la subordination de la BCE, la BCE reçoit 100% et les autre 50% (30 milliards/60 milliards). Donc de vos 8000 EUR, vous en récupérez seulement 4000 EUR, la différence est "donnée" à la BCE. Cette subordination est évidemment payée par les banques, les taux d'intérêts sur les dettes non-BCE sont supérieurs à ce qu'ils seraient sans le privilège de la BCE. Les LTRO deviennent ainsi une drogue, la dégradation du reste de leur bilan qui en découle crée une accoutumance.

Je n'ai pas de panacée pour le manque de liquidité dans le marché. Le manque de liquidité est un manque de confiance, et la confiance cela se mérite sur le long terme, pas en quelques minutes sur décision. Pour le manque de liquidité, une suggestion pour une petite amélioration est donnée plus bas. Pour le manque de confiance, avoir une régulation plus transparente et basée sur des principes plutôt que des règles administratives serait une de mes suggestion, que j'ai déjà proposée ici et .

Défaut de la Grèce: abus de bien sociaux?


Juste avant de faire défaut, la Grèce a fait un cadeau de plusieurs milliards à la BCE. La BCE était en possession d'obligations de la Grèce achetées avec des taux entre 5 et 10% Si les taux étaient aussi élevés (par rapport à des obligations avec moins de risque comme l'Allemagne), c'est que, justement, il y avait un risque: un risque de défaut. Le risque de défaut s'est matérialisé et la Grèce était proche du défaut. Elle a changé sa loi pour qu'un accord avec une majorité des débiteurs soit obligatoire pour tous les débiteurs. Tous, sauf la BCE! En effet la BCE a obtenu d'échanger ses obligations pour des obligations spéciales qu'elle est la seule à posséder. La loi Grecque normale ne s'applique pas à la BCE. Je ne sais pas comment la BCE a obtenu cet avantage. Sans doute avec des pressions politiques, en menaçant de ne pas supporter le sauvetage de la Grèce dans le cas contraire. Dans d'autres circonstances on pourrait appeler cela un abus de biens sociaux: utiliser sont autorité pour obtenir de la société des avantages immérités. Plus de chiffres à propos de ces avantages immérités de la BCE peuvent être obtenus sur le blog Zero Hedge (en anglais). En général c'est un blog que je recommande pour une vue non-officielle de certains aspects de la crise et de la finance par des gens qui semblent bien informés et qui savent en général de quoi ils parlent, ce qui est assez rare.

La suggestion immédiate est, si la BCE veut être un acteur respecté du système financier, de se comporter comme un membre normal de cette communauté et de pas s'octroyer de privilèges indus. Elle devrait rendre les obligations privilégiées qu'elle a obtenu au détriment des autres créditeurs de la Grèce et accepter le défaut comme les autres.

Retrait de liquidité inconditionnelle.


La BCE a injecter des liquidités conditionnelles dans le marché (voir plus haut pour le "conditionnelles"). D'autres banques centrales ont fait des actions similaires. Cette injection de liquidité était nécessaire à cause de la méfiance généralisée et du manque de liquidité dans le marché. L'origine de ces problèmes ne provient pas d'une action particulière mais de quelque chose de diffus, d'un "sentiment" du marché. On peut néanmoins trouver quelques actions qui ont contribué à ce sentiment et les banques centrales n'y sont pas étrangères. J'en parlais dans un blog en 2008 et la situation n'a pas changé depuis.

La Banque des Règlements Internationaux (BRI en français, BIS en anglais) est la "banque des banques centrales". C'est une institution supranationale propriété des banques centrales et dont les membres du comité de direction sont les gouverneurs des banques centrales (http://www.bis.org/about/board.htm). Au delà du bien connu comité de Bâle et des réunions régulières entres gouverneurs, l'institution abrite un département bancaire qui est une contrepartie pour les transactions financières de ces mêmes banques centrales (voir http://www.bis.org/about/index.htm). Cette institution peut être considéré comme le bras financier caché des banques centrales. En lisant la composition du bilan de cette institution, on remarque qu'elle a enlevé pas mal de liquidité du marché dés le début de la crise. En avril 2007, elle prêtait aux banques commerciales par des prêts sans collatéral 91 milliards de SDR (1) (équivalent à 147 milliards de USD). Si on regarde le bilan aujourd'hui, on voit que le chiffre est descendu à 19 milliards de SDR, une diminution de 79%. Si on regarde la ligne particulière des prêts à plus de 3 mois, le chiffre était de 38 milliards de SDR, il est aujourd'hui de … 0 (en fait la ligne a même disparu du bilan). Même les "repo" (repurchase agreement) qui fonctionnent sur le même principe de collatéral que les prêts de la BCE ont diminués de 61 milliards de SDR à 40 milliards de SDR. Cette disparition de liquidité fournie par les institutions supranationales comme la BRI était reprise dans le rapport de la commission Dexia comme un des (nombreux) facteurs qui ont causé la fragilisation de Dexia. Les parties du bilan de la BRI qui ont augmenté sont les dépôts d'or (de 15 à 38 milliards) et les obligations (principalement gouvernementales) (de 95 à 131 milliards) . Pendant que la BCE fournit des liquidités aux banques commerciales en échange d'une subordination du reste de leur bilan en espérant qu'elles prêtent au gouvernement, la BRI retire ses prêts non collateralisés avec les banques commerciales et prête plus aux gouvernements. Comprendra qui pourra. En attendant, cela fragilise certainement le bilan des banques qui n'avaient pas besoin de cela.

Ma suggestion est relativement simple, reprendre les prêts directs de la BRI aux banques commerciales. Je ne suggère pas d'être téméraire, une bonne diversification et un analyse du prix des prêts reste importantes, mais cela ne doit pas créer un début de panique (2).

Défaut de la Grèce: PIB, step-up, et absence d'inflation.


Le FMI a fait partie des négociateurs lors du défaut ordonné de la Grèce. Lors du défaut, les obligations Grecques existantes ont été remplacée pour une partie du notionnel par des obligations de la Grèce à long terme avec diverses échéances, pour une autre partie par des obligations du fond européen de stabilité et enfin par une participation au PIB de la Grèce. Pour le remplacement par des obligations de la Grèce, cela semble naturel. Mais pourquoi les obligations sont-elles de type "step-up" (coupon en augmentation)? Un résultat similaire aurait pu être obtenu avec avec des obligations plus simples (coupon constant) en ajustant le notionnel à chaque échéance. Ces obligations step-up ne sont pas le standard. Je pensais que certains prônaient une standardisation des produits financiers, mais j'ai dû me tromper. Si un jour la Grèce redevient un débiteur crédible (on peut rêver), ces obligations bizarre resteront des instruments stigmatisés.

On comprend que les débiteurs préfèrent des obligations du fond de stabilité européen, qui sont bien plus sûres que les obligations grecques. Pourquoi a-t-on imaginé des détails si compliqués dans le calcul des montants? Une partie du montant représente des intérêts courus (un concept comptable). La Grèce a fait défaut, les créditeur veulent revoir une partie de leur investissement, c'est normal. Mais une fois que le montant a été négocié, allons à l'essentiel sans comptes d'apothicaires pour diviser ce montant en sous-catégories comptables.

Une toute petite partie des obligations de remplacement (pour une valeur minuscule) sont liées au PIB de la Grèce. C'est sans doute un peu compliqué pour la valorisation et ce n'est pas une obligation financière standard mais ici on en comprend l'intérêt pour la Grèce: elle aura plus de moyens de rembourser si son PIB est plus élevé. Ce petit geste n'est pas stupide et je le garde.

Parmi les obligations en défaut, il y avait des obligations long terme liées à l'inflation (européenne). De mon point de vue ces obligations liées à l'inflation sont une très bonne chose. Pour les investisseur qui ont une couverture contre l'inflation (pour autant que l'émetteur rembourse ses obligations) et pour les gouvernement qui payent un montant notionnel plus élevé après une période d'inflation où les revenus des taxes devraient avoir augmenté. Mais ici les obligations liées à l'inflation ont été remplacée par des obligations à taux fixes. Non seulement les investisseurs ont eu une perte mais il ont maintenant un investissement qui ne correspond plus à leur choix initial.

Mes suggestions serraient de faire plus simple: 1 ou 2 obligations du fond de stabilité, sans complications comptables, des obligations avec coupons constants pour les obligations de la Grèce et de remplacer les obligations liées à l'inflation par d'autres obligations liées à l'inflation.

(1) SDR: Special Drawing Right, panier de devises utilisée comme unité de compte par plusieurs institutions supranationales.
(2) Cela me rappelle une anecdote. Au début de la crise (fin 2007) je parlais avec un économiste de la BRI qui me disait en parlant de la diminution des liquidités interbancaires (à l'époque il s'agissait d'une diminution et pas d'une disparition) que "les banques devraient être folles pour arrêter de se prêter l'une l'autre et détruire un système efficace". Il semble qu'il n'était pas au courant que ses collègues étaient partie prenante à cette "folie".

samedi 5 mai 2012

En lisant la presse…

Ethias...


Finance change de nom (Vitrufin) et reconnait enfin les pertes faites sur son investissement dans Dexia il y a plusieurs années. Mais c'est la norme chez Ethias d'attendre un peu avant de reconnaitre la vérité (voir l'audition de Mr Thiry a la commission Dexia: http://citoyennaif.blogspot.com/2012/01/commission-dexia-audition-de-mr-thiry.html). D'où une perte de presque 250 millions. On sait maintenant à quoi ont servi les 280 millions empruntés par le même Ethias et en grande partie souscrits par l'état et les régions. Mais ce même état et ces mêmes régions reverront-ils la couleur de leur argent? La question est encore ouverte...

Et on reparle de Karel De Boeck...

Il semble y avoir un consensus en kern sur la désignation de Karel De Boeck comme CEO de Dexia. Pour rappel ce Mr De Boek est celui devenu célèbre pour ses compétences chez Fortis. Ancien directeur du marketing et du réseau et puis en charge des Medium-sized Enterprises and Corporate, il était devenu pour quelques mois CEO de Fortis/Ageas, après avoir été en charge de la fusion (avortée) avec ABN Amro.

Quand on mettait en doute ses compétences, il mettait en évidence son titre universitaire de 1974 (licence en économie) et son grade (grande distinction). Personnellement, si je peux choisir les compétences universitaire de la direction, je préfèrerais un docteur qui a obtenu son diplôme avec la plus grande distinction et les félicitations du jury, qui est un expert reconnu internationalement, qui publie des articles de recherche de manière régulière et qui a plus de 10 ans d'expérience dans le monde bancaire. Mais c'est mon goût personnel: http://citoyennaif.blogspot.com/2011/12/voeux-et-conseils-dadministration.html

Ajouté le 8 mai 2012: Quel chasseur de têtes a été utilisé pour recruter Mr De Boeck? J'ai regardé sur LinkedIn avec Google : "finance risk management phd research publication belgium site:linkedin.com". Il y a en Belgique pas mal d'experts qui pourraient aider le gouvernement. Quelqu'un a-t-il pensé à les contacter? Remarquez que le profile de De Boeck n'apparait pas parmi les premiers.

Il est aussi amusant de lire le profile de Mr De Boeck sur LinkedIn. On y apprend qu'il "recieved a 3 year grant for a PhD at MIT but did not use it" (les fautes sont de lui). Il considère une bourse de doctorat sans avoir présenté sa thèse comme quelque chose d'important pour son CV. Peut-être voulait-il mettre le MIT sur son CV sans avoir obtenu de diplôme de cette vénérable institution.

On peut aussi rappeler parmi les exploits de Mr De Boeck la perte de 300 millions d'euro, sous sa responsabilité de CEO, suite à des transactions de change hâtives au moment de la tentative de vente de certaines parties de Fortis.

Il a été Chief Risk Officer de Fortis (mais sans expérience préalable dans la gestion des risques) de 2007 à 2008, c'est-à-dire exactement au moment de la débâcle de Fortis qui n'a pas réussi a gérer les risques de son bilan et de l'intégration de ABN (dont il a été responsable).

samedi 14 avril 2012

Rapport de la commission Dexia - lecture du rapport - les recommandations

Après avoir analysé les constatations dans mon blog précédent, je passe en revue les recommandations qui m'ont marquées, en bien ou en mal. Les recommandations ont été votées majorité contre opposition, il n'y a donc pas de consensus sur celles-ci. Je fais ma revue à travers un "J'aime! J'aime pas!". Les numéros réfèrent aux numéros des recommandations dans le rapport. Certaines recommandations sont dans les deux catégories.

J'aime!


1. Assister le consommateur dans l'appréciation des risques. Plus de transparence est certainement une bonne chose.

4. Renforcer le contrôle ex ante.

7. Fluidité et la qualité des informations. Cette recommandation devrait s'étendre aux actionnaires, eux aussi doivent être informés.

8. Les autorités de contrôle doivent être prévenues dès qu’une mise en garde est intervenue au sein de l’entreprise. Cela veut dire qu'elle ne l'ont pas été dans le cas de Dexia. Ne devrait-on pas aussi recommander aux autorités de contrôle de créer un moyen de communication à travers lequel les mises en grade peuvent être faites et une protection légale est assurée à ceux qui les font?

10. Le principe “fit and proper” soit mieux appliqué dans toutes les catégories de personnel des établissements financiers. /  33. Renforcer la qualité, l’expertise et l’éthique des administrateurs et des membres de la direction. - D’assurer aussi la diversité des spécialisations et de l’expérience antérieure des membres. / 34 La commission recommande de définir les profils requis des membres des organes des établissements financiers. Il semble évident de demander des gens compétents pour les fonctions vitales. Mais si cette recommandation est mise en pratique, elle amènera des changements, en particulier dans les comités de direction, les conseils d'administration et … le choix des experts de la commission. Je suis certainement en faveur de ces recommandations et faisais des recommandations similaires dans mes blog précédents. Malheureusement je constatais (ici et ici) que pour les nominations récentes, le monde politique belge n'a pas suivi ces recommandations. Pour les administrateurs de Belfius, l'expertise bancaire n'est pas claire pour la plupart d'entre-eux et la diversité est totalement absente (seulement des économistes et des juristes, spécialités minoritaires dans les salles de marché et la gestion des risques).

20. Une relation très clémente s’installe entre superviseur et supervisé. 44. Renforce les règles d’indépendance et celles relatives aux conflits d’intérêts des réviseurs d’entreprises.
La relation clémente entre superviseur et supervisés, n'est pas une recommandation mais une constatation, qui n'est pas très positive pour les  superviseurs. La même chose peut être dite des réviseurs, si la recommandation propose de renforcer leur indépendance, c'est quelle était défaillante dans la situation analysée.

39. Une présence garantie du responsable risk management lors de chaque réunion du conseil d’administration.
Il est important qu'un gestionnaire de risques puisse donner son point de vue. La recommandation serait mieux si le terme "responsable" était remplacé par le terme "expert", avoir la responsabilité d'organisation d'une équipe ne transforme pas une personne en expert du sujet.

45. Les actionnaires de référence d’institutions financières systémiques ne puissent porter atteinte aux principes de bonne gouvernance de ces institutions par l’entremise des administrateurs qui les représentent.
Cette recommandation est clairement dirigée vers les représentants d'ARCO, du Holding Communal et de l'état français. La recommandation aurait pu être complétée par une suggestion d'entamer des poursuites à l'encontre de ceux qui n'ont pas respecté les prescrits légaux.

J'aime pas!


1. Agrément spécifique pour les nouveaux produits grand public. Il n'y a nulle part dans les constatations une discussion de produits qui, dans la saga Dexia, ont crée un problème systématique pour le grand public. Je ne sais pas ce que les commissaires ont à l'esprit avec cette recommandation. Les produits les plus compliqués qui sont vendus au grand public sont les actions et les obligations gouvernementales: les actions sont des participations dans des entreprises avec des stratégies compliquées, qui peuvent changer et avec plusieurs niveaux de décisions; les obligations gouvernementales portent le risque habituel des obligations plus le risque légal qu'un gouvernement change les règles en cour de jeu, comme la Grèce l'a fait; ces produits sont bien plus compliqués et risqués que les produits dit structurés, qui eux ont des règles claires. Si ce n'est pas les produits que la commission a à l'esprit, je lui suggère de s'abstenir sur ce point. Prétendre qu'une commission aurait une meilleure compréhension des besoins de tous les citoyens individuellement semble un peu exagéré.

29. Des taux de plus en plus élevés suivant l'échéance. J'ai déjà dit le mal que je pense de cette recommandation, qui est équivalente à imposer une crise à venir, dans mon premier blog sur le rapport.

39. Une présence garantie du responsable risk management lors de chaque réunion du conseil d’administration.
Il est bien d'inviter un contrôleur de risques, mais il serait peut-être encore mieux d'inviter un preneur de risques. Les traders et gestionnaires de portefeuilles ont sans doute aussi un point de vue qu'il est important d'entendre. La commission recommande de renforcer le contrôle ex ante (recommandation 4) mais suggère d'inviter aux réunions seulement ceux qui contrôlent ex post.

53. Interdire la possibilité de procéder à des augmentations de capital en prêtant des fonds aux actionnaires d’une entité appartenant au périmètre d’un groupe.
Le problème n'est pas d'interdire cette pratique mais de clarifier que l'augmentation n'est pas prise en compte comme capital réglementaire. Le rapport indique que c'est déjà le cas mais que pour Dexia, les régulateurs ont décidé de ne tenir compte de ce fait qu'a partir de 2014 avec un étalement progressif sur 5 ans. Cela semble un bon cas d'application de la constatation dans la recommandation 20: Une relation très clémente s’installe entre superviseur et supervisé.

Conclusions


Pour certaines conclusions, le rapport enfonce des portes ouvertes, mais pourquoi pas? Il n'y a jamais assez de bonnes recommandations. Pour d'autres, les recommandations sont du style "il faut respecter les règles" et "il faut des responsables compétents"; cela semble aussi évident, mais doit être rappelé parce que cela n'a pas été le cas dans la situation analysée. Peut-être les constations auraient-elles pu être plus claires à propos de qui n'a pas respecté les règles et qui n'était pas compétent. Pour finir, il y a des recommandations qui ne me semblent pas très bien pensées ou pas appropriées.

dimanche 8 avril 2012

Rapport de la commission Dexia - lecture du rapport - les constatations

J'ai trouvé le rapport de la chambre et je l'ai lu. Je n'ai pas lu l'entièreté des 421 pages, mais presque (disons que j'ai passé une cinquantaine de pages de chiffres, d'extraits de communiqués de presse et de comparaisons).

Avant de passer à l'analyse elle-même, je dois dire que je suis heureux de l'existence de cette commission, du rapport et du fait qu'il soit possible de discuter de manière (presque) transparente de problèmes. Ci-dessous je suis assez critique du rapport; ces critiques doivent être prise comme des pistes pour une amélioration du processus et certainement pas un plaidoyer contre son existence.

En lisant le rapport, j'ai trouvé beaucoup de similitudes avec certains de mes blog sur Dexia. Je n'ai pas eu accès aux documents confidentiels des experts (les députés non plus d'ailleurs) ou a des "sources", mais simplement en connaissant en profondeur le fonctionnement des banques et en utilisant les informations publiques on peut deviner beaucoup de choses. Je ferai références à mes blogs précédents où cela est le cas.

Le rapport est divisé en deux parties: les constatations et les recommandations. Mon analyse sera divisé de la même façon. Pour les recommandations, vous devrez revenir dans quelques jours. Comme toujours, je ne fais pas un résumé du rapport mais je donne mes impressions; il y a donc des éléments importants que je ne mentionne pas parce qu'ils ne m'ont pas marqué spécialement.

Comme précédemment je commence par la forme. Rappelons le, le rapport a été écrit par une commission parlementaire et n'est donc pas neutre. Cela semble clair à sa lecture, les noms des administrateurs politiques (de Dexia et du Holding Communal) ne sont pas indiqués, ils auraient mérité de tous être mentionnés. Il faut aussi insister sur le fait que c'était une commission spéciale et pas une commission d'enquête. Elle n'avait donc pas beaucoup de pouvoir. En particulier elle n'avait pas le pouvoir de forcer les acteurs a témoigner. Deux de ces acteurs ont pleinement profité de cette absence de pouvoir: l'ancienne commissaire européenne Mme Kroes et l'ancien premier ministre belge Mr Leterme. Ces deux personnes ont perdu toute crédibilité dans la vie publique en refusant d'être auditionnés. Comme je le mentionnais dans mon blog précédent sur rapport de la commission [http://citoyennaif.blogspot.com/2012/03/commission-dexia-le-rapport-1.html] le seul rapporteur membre de l'opposition a été exclu de cette fonction. Le rapport ne donne pas plus d'indication du pourquoi de cette exclusion; il indique simplement que "la commission a décidé par 9 voix contre 5 et une abstention que M. Gilkinet ne serait plus rapporteur". Autant pour la transparence. Les règles de fonctionnement de la commission indiquent que "la commission nomme quatre rapporteurs"; la commission n'a pas suivit sont propre règlement jusqu'au bout.

Un autre mot sur la forme. Le rapport contient un certain nombre de graphiques. Ils sont pour la plupart illisibles. Sans doute étaient-ils à l'origine en couleur et ont été transformé en noir et blanc, toujours est-il qu'ils sont presque tous gris et on ne distingue pas les différents éléments. Cela sans parler des erreurs (Figure 2, il y a deux actionnaires avec 50% + 1 action) et des graphique simplement illisibles (Figure 3). Les graphiques semblent avoir été produits par des amateurs: soit des graphiques (sans standardisation) produits par Excel et PowerPoint, soit des copies d'écrans Bloomberg, il y a même un graphique provenant d'un blog (pas le mien). Ils auraient pu utiliser un logiciel convenable et uniformiser cela.

Passons au fond. Il semble que le texte a été écrit en grande partie par les experts (ils étaient payés pour cela) avec la supervision des rapporteurs. A la lecture, on a l'impression que certains passages du texte sont des "copier-coller" de vielles brochures de marketing de Dexia (page 50 et 51 en particulier).

Des petites erreurs (qui s'accumulent)...

 

Le rapport contient pas mal d'erreurs à propos des marchés financiers. Cela semble indiquer que les auteurs (les experts?) n'ont pas une connaissance approfondie des ces marchés. Les doutes que j'exprimais sur ces experts en terme de connaissance des banques et des marchés financiers semblent justifiés.

Il y a une double confusion entre repo (transaction avec collatéral) et OIS (swap lié a un taux interbancaire sans collatéral) : la confusion est entre un prêt et un produit dérivé et entre des prêts avec et sans collatéral; le graphique de ces taux est en USD et pas en EUR. C'est comme si un "expert" de football confondait Barcelone et le Real de Madrid.

A plusieurs endroits il y a une confusion entre "duration" (une mesure de risque de taux) et "durée" (une mesure de temps); les deux mesures sont exprimées dans la même unité (année) mais sont différentes.

Dans le chapitre qui parle des "swaps", il est indiqué à de très nombreuses reprise que le taux de référence est le Bund allemand (à dix ans), cela est bien sur totalement inexact (voir mon blog sur Libor: http://citoyennaif.blogspot.com/2012/03/libor-mon-beau-libor.html). Je comprends mieux maintenant les erreurs parues dans les journaux récemment à ce sujet. Il est indiqué que le taux flottant de référence des swaps est devenu Eonia; c'est également incorrect. Il est vrai que le taux Euribor était vu avant la crise comme un taux presque sans risque et que cette impression a changée et que la référence du taux sans risque est maintenant plutôt Eonia, mais cela ne change pas la référence des swap. Pour reprendre une expression connue, ils ont entendu un âne braire mais ils ne savent pas dans quel pré! Il y a une description d'un exemple de swap (page 281). Les chiffres de l'exemple sont non-cohérents et dans la situation nette, la marge (75bps) disparait, la différence Euribor 3m/6m disparait et le financement de la transaction n'est pas indiqué. Cette différence entre Euribor 3m et 6m n'est pas anecdotique, comme tous ceux qui ont travaillé dans les marchés financiers le savent. Elle était, si on en croit un article de Risk Magazine (http://www.risk.net/risk-magazine/feature/1564177/scaling-peaks-3s-6s-basis), particulièrement importante pour Dexia qui, toujours d'après cet article, a subit des pertes conséquentes sur cette différence et pendant très longtemps ne les a pas reconnues dans ses comptes. Mais les "experts" ne mentionnent pas ce fait important. Le rapport mentionne la possibilité de swap interne avec un groupe d'expert de Dexia pour diminuer les swaps externes. Mais il indique que cette sophistication de gestion n'est pas compatible avec les choix du management et que le coût de l'écurie (leur terme) serait trop important. Le coût salariale de ces experts serait certainement bien moins important que le coût du CEO (environ 1.5 millions par an) et que le coût des consultants extérieurs (80 millions). De plus il semble que de tels experts de renommée internationale étaient présents en interne chez Dexia (un pour le risque de crédit et un pour les taux d'intérêts); au moins un était systématiquement conférencier invité dans les conférences de finance quantitative (c'est facile à vérifier sur internet). De ce point de vue, Dexia semblait bien mieux équipé que les autres banques belges. Ceux qui suivent la finance quantitative de près étaient certainement au courant mais apparemment pas les "experts" de la commission (ni le management). Dans le rapport il y a aussi une "analyse" de la couverture des risques de taux par des swaptions. Cette proposition ne peut être considérée comme sérieuse à cause de l'asymétrie de la couverture, de son coût et du risque sur les résultats. Il y a une autre proposition de fermer les swaps existants pour en ouvrir de nouveaux au pair; en plus du fait que cela est très difficile à faire, cela ne change en rien la position de risque de marché et de liquidité de la banque, mais cela aussi semble échapper aux auteurs.

Pour en finir les petites imprécisions, il y a une comparaison de la situation des swaps de Dexia avec la situation de Metallgeselshaft AG souvent reprise dans les livres d'économie; le fait que ce cas bien connu était une entreprise industrielle (pas une institution financière) qui utilisait des futures (pas des swaps) semble aussi avoir échappé aux auteurs.

De la réalité économique différente de la réalité comptable et de celle des régulateurs


A de nombreux endroits le rapport parle de valorisation. En général il y a un manque de distinction entre la valeur économique (combien peut-on en obtenir maintenant), la valeur comptable et la valeur utilisée dans la régulation (deux chiffres différents mais tous les deux de simple chiffres écrit sur du papier sans nécessairement de référence à une valeur économique). Cette confusion a été entretenue pendant les auditions par les acteurs (Mr Mariani en particulier) et malheureusement le rapport n'aide pas à la clarification. La grande défense du management post-2008 est qu'une gestion différente de la leur aurait créé des pertes supplémentaires importantes. Ces pertes supplémentaires sont comptables et régulatrices, pas économiques. La valeur économique était déjà perdue. Cette confusion a amené le management à prendre de mauvaises décisions, en particulier dans la gestion du risque souverain. Le management ne voyait pas de raison de vendre le portefeuille souverain (au moins une partie) car il n'y avait pas de charge de risque de crédit d'après les régulateurs (Bale II: pondération 0%), pas de perte de liquidité (possibilité de repo) et une promesse de gain faible sur la durée (marge entre l'emprunt court terme et le prêt long terme). Il n'y avait pas de raison urgente de vendre. Cette vue simpliste du management ne résiste évidement pas à une analyse d'un opérateur expérimenté: le risque de crédit nul n'est qu'une invention des régulateurs pour protéger leurs commanditaires (les états), la liquidité est affectée marginalement dans tous les cas à cause des "haircut" et de manière importante en cas de baisse des prix, et les gains faibles potentiels sont compensés par de larges pertes possibles (demandez aux créditeurs de la Grèce). La vente d'une partie du portefeuille souverain, celui-là même qui a porté le coup de grâce à Dexia, avait été proposée par plusieurs experts extérieurs. Le coût des CDS sur Dexia était supérieur aux coûts des CDS sur les états de la zone euro (sauf la Grèce), cela veut dire que le marché dans son ensemble considérait qu'il en coutait plus a Dexia pour se financer que les gains qu'il obtenait par l'investissement. Le choix du management était équivalent à dire: "Nous savons mieux que les autres". Une arrogance dont il est question par ailleurs. Cette erreur du management a été renforcée par une régulation inadéquate. Dans un cas extrême, des ventes qui diminuent le risque économique et ne change pas la valeur économique du portefeuille n'était pas possible car elle augmentaient le risque perçu par les chiffres des régulateurs. Un aveuglement des régulateurs et une myopie et une confusion du management actuel n'ont pas aidé Dexia.

Tant que j'en suis à parler du bilan, je voudrais ajouter quelques informations glanées çà et là. Bien qu'après la recapitalisation de septembre 2008 il y avait une insistance sur la diminution du bilan, celle-ci n'a pas été directe. Il y a une une augmentation du bilan en 2008 (bien que la crise ait débuté en juillet 2007). A l'arrivée du nouveau management, 91 milliards sont passés d'une ligne comptable à l'autre, rendant l'analyse plus difficile. Certains portefeuilles ont grossi entre 2008 et 2010 (le portefeuille souverain en particulier). Il y aurait du avoir une diminution naturelle avec les maturités; un calcul simpliste basé sur une maturité moyenne de 9 ans indiqué dans le rapport, donne une diminution naturelle de 10%. La diminution de la taille du bilan n'a pas été faite de manière très agressive.

Le rapport reprend des chiffres fournis par Dexia sur l'"impact de la crise" sur les résultats de 2008. Une analyse critique de ces chiffres devrait se demander quel était l'impact de la crise avant la crise. Cela peut paraitre à première vue étrange mais la raison pour laquelle je fais cette demande est la suivante: la crise est l'éclatement d'une bulle; pour éclater la bulle a du grossir; les chiffres d'avant la crise reflètent ce grossissement et donc contiennent des profits imaginaires qui ont été perdu pendant la crise. En présentant les chiffres comme le management le fait et comme le rapport dans sa foulée, on a l'impression que les profits sont dûs a un bon management et les pertes à "pas de chance". C'est une image trompeuse de la réalité.

Des problèmes relationnels de Mr Mariani


Le rapport pointe les problèmes relationnel de Mr Mariani tant en interne qu'en externe. Ces problèmes ont culminé avec les démissions de deux membres belge expérimentés du management (Mrs De Walque et Decraene). Son style autoritaire et le recours systématique aux consultants externes Bain (dont coût 80 millions) ont crée des conflits dans le comité de direction, en particulier avec la direction de DBB. Ces conflits évitables ont eu une influence négative sur l'évolution de Dexia. Les erreurs de communication du management étaient en interne mais aussi en externe, en particulier avec Moody's. Le fait que Mr Mariani ait imposé son "protégé", Mr Joly (un ex-inspecteur des finance comme lui), devenu de facto le numéro 2 de Dexia, alors que le numéro 2 officiel était Mr Decraene n'a pas aidé. Mr Mariani c'est fait apparemment beaucoup d'ennemis à l'intérieur comme à l'extérieur de Dexia depuis 2008.

Le salaire de Mr Mariani est assez élevé (environ 1.5 millions par an, supérieur à celui de son prédécesseur) et il faut y ajouter le coût des consultants extérieurs (Bain) de 80 millions. Le rapport qualifie le recourt aux consultants extérieurs de "contre productif". Mr Mariani est également parvenu a faire transformer une partie de son salaire variable de 200,000 euros en un salaire fixe (appelé prime de fonction). Cette prime de fonction lui a été versée même après de démantèlement de 2011, bien que sa fonction ait fondamentalement changée (de CEO d'un grande banque internationale à CEO d'une petite bad bank). Le salaire variable de Mr Mariani et du reste de la direction était lié au respect des engagements envers la commission européenne (CE). D'après le rapport de l'expert indépendant engagé pour analyser ce respect, plusieurs engagements n'ont pas été tenus (sur le RAROC, le financement à court terme, la cession des participations et la diminution du bilan). Dexia a contesté cette analyse par l'expert mais semble avoir payé néanmoins la partie variable non due du salaire de Mr Mariani; mais le rapport n'est pas très clair à ce propos.

Des dividendes et des administrateurs


Dexia a payé un "dividende en action bonus". Ce payement avait été qualifié de monnaie de singe par Mr Thiry dans son audition mais ce terme n'est malheureusement pas repris dans le rapport (il semble que je sois le seul a avoir rapporté ce mot; voir mon blog http://citoyennaif.blogspot.com/2012/01/commission-dexia-audition-de-mr-thiry.html). Ce dividende a été décidé suite à la demande insistante des administrateurs d'Arco et du Holding Communal (HC). Ce payement ne changeait en rien ni la liquidité, ni la valeur de la société Dexia. Le rapport insiste sur le fait que d'après la loi sur les sociétés commerciales les administrateurs d'une société représentent cette même société et non pas les actionnaires qui les ont élus. La demande du payement du dividende en action a eu un coût administratif et a utilisé de l'énergie en interne chez Dexia pour organiser juridiquement ce "payement". Cette demande a donc eu un impact négatif sur Dexia. Les administrateurs n'ont pas rempli le rôle qui est légalement le leur. Le rapport s'arrête juste avant de suggérer une poursuite judiciaire contre ces administrateurs; je ne comprends pas pourquoi cette réticence quand une poursuite judiciaire est demandée pour un acteur extérieur (Moody's) qui n'avait pas d'obligation légale vis-à-vis de Dexia. De même les administrateurs représentants l'état français ont, d'après le rapport, faillit à leurs obligations en imposant de conserver l'importance de DCL au détriment du bien de la société Dexia SA.

A propos des actions bonus reçues par les actionnaires, le rapport indique qu'un avis de la commission des normes comptables (CNC) indique que les actions bonus ne sont pas un revenu. Ces actions ont néanmoins été comptabilisées comme tel par Arco et le HC. Pour ce qui est des prêts de DBB aux mêmes Arco et HC, j'indiquais dans mon premier blog sur le rapport qu'une analyse économique (et non réglementaire) faite par les régulateurs aurait dû exclure le "faux" capital ainsi obtenu des chiffres des régulateurs. Il semble que cette analyse a été faite par les régulateurs (ce qui est bien) mais que la conclusion a été que cela ne serait pris en compte qu'à partie de 2014 avec un étalement progressif de l'impact sur 5 ans! On croit rêver!

D'autres petites choses


Le désastre financier de Dexia n'est pas seulement dû à des risques financiers trop importants pris par le management mais aussi dû à des risques opérationnels et juridiques, en particulier dans les achats aux Pays-Bas (perte de 2.5 milliards). L'expertise juridique supposée de la direction précédente (Mr Miller n'est pas un banquier mais un avocat d'affaire) ne semble pas avoir servit beaucoup.

En parlant de la diminution des liquidités fournies par le marché, il est indiqué dans le rapport que les institutions financières internationales (en particulier la BRI) ont apporté beaucoup moins de fonds avec la crise. J'en parlais déjà dans un blog en avril 2008: http://citoyennaif.blogspot.com/2008/04/crise-de-liquidite-le-double-jeu-des.html

Le rapport mentionne les "stress tests" organisés par l'EBA et qui n'avait un impact que sur le "trading book" (pas le banking book). J'en parlais dans mon blog http://citoyennaif.blogspot.com/2011/04/vos-stress-tests-avec-ou-sans-stress.html. Le rapport indique que "cet exercice était comme une tentative de contribuer à la restauration de la confiance". Autrement dit c'était un mensonge intentionnel et institutionnel par omission de l'EBA.

J'aurais aussi pu aussi parler d'autres points (mais je ne le ferai pas ;-))
- de DCL, de sa gestion défaillante des risques et des protections par les "français" pour éviter la diminution de l'importance du canard boiteux.

- des risques de liquidité et de crédit qui étaient connus par les experts de la banque (j'en parlais dans mon blog http://citoyennaif.blogspot.com/2011/11/commission-dexia-interroger-les-bonnes.html) et communiqués au management.

- des mensonges d'un management rassurant, en interne et en externe, qui déclarait qu'il n'y avait pas de problème, que FSA n'était pas impliqué dans la crise des subprime et que le démantèlement n'était pas envisagé, …

Conclusion


En conclusion, je suis content que ce rapport existe, il officialise ce que beaucoup savaient déjà: les erreurs des comités de direction et des conseils d'administration passés et présents et en particulier l'amateurisme dans la gestion des risques. Le rapport met en évidence des manquements de certains acteurs à leurs obligations légales mais ne les nomme pas explicitement et ne suggère pas de poursuites à leur encontre. Malheureusement il est évident que les auteurs du rapport ne sont pas des experts sur le fonctionnement des banques et des marchés financiers, ils manquent de mettre en évidence des faits importants du dossier; de plus cela nuit à la crédibilité du rapport sur ces aspects.