mercredi 28 mars 2012

Des conseils d'administration et de leur composition

Dans un blog récent je commentais la volonté de certains d'imposer des quotas les conseils d'administration. J'y citais Mme Reding (commissaire européenne à la justice) et Mme Parisot (Présidente du Medef - France). Mme Reding aimant dire que si Lehman Brothers avait été Lehman Sisters, elle n'aurait pas fait faillite. Mme Parisot dernière indiquant que toutes les études montrent qu'une plus grande proportion de femmes dans les conseils d'administration entraine une meilleur gestion. J'indiquais que je ne croyais pas que l'un était la conséquence de l'autre mais simplement que les deux étaient corrélés.

Maintenant une étude publiée par la Deutsche Bundesbank (banque centrale allemande) indique que même la corrélation est incorrecte et que Lehman Sisters a plus de chance de faire faillite que ses frères. L'analyse des auteurs montrent qu'une plus grande proportion de femmes dans les conseils d'administrations mène à de plus grands risques dans la conduite des affaires des banques.

Cette affirmation nécessite quelques explications. L'étude est publiée par la Bundesbank mais celle-ci s'empresse de préciser que les résultats "ne reflètent pas nécessairement les vues de la Deutsche Bundesbank ou de ses employés". L'analyse porte sur des banques allemandes entre 1994 et 2010. L'étude n'affirme pas que la prise de risque supplémentaire est due au fait que certains membres des conseils d'administration sont des femmes. Elle attribue cet accroissement des risques au fait que les femmes dirigeantes ont, je cite, "significativement moins d'expérience" que leurs équivalents hommes et que ce manque d'expérience entraine les risques. Encore une fois il est important de distinguer conséquence et corrélation.

La même étude montre que l'accroissement du nombre de dirigeants avec un doctorat réduit la prise de risque. Elle attribue cela "au fait que des dirigeants mieux formés emploient des techniques de gestion des risques plus sophistiquées et adaptent le modèle des affaires en conséquence".

Les points principaux de cette étude me semblent être que plus d'expérience, plus de formation et des techniques de gestion des risques plus sophistiquées mènent à une gestion moins risquée pour les banques. Toutes ces conclusions vont à l'encontre de quotas si ceux-ci augmentent le nombre de membres sans l'expérience et les qualifications requises.

Dans un passé récent, la Belgique a connu une certaine gestion risquée de ses banques qui a conduit à certains désagréments, pour employer un euphémisme. Peut-on appliquer les conclusions de cette étude à la situation actuelle et voir si des leçons ont été retenues? Il reste une grande banque belge (Dexia Banque Belgique/Belfius) et son conseil d'administration a été renouvellé entièrement récemment. Peut-on noter ce conseil d'administration en terme d'expérience bancaire, de formation et de gestion des risques sophistiquée?

Dans mon blog lors de la nomination de ce conseil d'administration de cette banque, je faisais une brève description du CV de ses membres. Parmi les dix membres du conseil, il y a cinq docteurs (tous en économie). La moitié, c'est plus que dans la population en générale mais pour certaines équipes des banques, ce n'est pas nécessairement énorme. Dans les équipes d'experts des grandes banques, les équipes d'analyse quantitative en particulier, il y a souvent plus de trois quarts de docteurs. En ce qui concerne l'expérience bancaire, il y a quatre membres avec une expérience bancaire. Et pour ce qui est de la gestion des risques des banques, il y a un seul membre (Mr Wibaut, qui a travaillé à l'ALM chez Dexia) qui semble remplir ce critère.

[Ajouté le 6 avril 2012] Dans le journal Financial News du 2 avril, j'ai trouvé une statistique intéressante pour les comités de direction des grandes banques. D'après le journal, dans les dix plus grandes banques du monde, il y a en moyenne 35% de banquiers d'investissement (qui ont passé une grande partie de leur carrière de ce département ou qui y ont eu un poste a responsabilité) dans les "management board" et ce chiffre est en augmentation. Chez Dexia/Belfius cette proportion est de 0; mais elle ne fait pas partie des 10 plus grandes banques du monde!

Le bulletin est donc: Formation - 5/10; Expérience - 4/10; Gestion des risques - 1/10; Banquiers d'investissement - 0. Et ce bulletin est en gros progrès par rapport au précédent! Elève Belgique, c'est mieux, mais il y encore des progrès à faire pour arriver à la moitié.

J'ai vu un troupeau terriblement dangereux de moutons dociles.
Paul Krugman - économiste - 1997.