En cette période de crise il semble naturel d'être économe. Il y a néanmoins un domaine où je voudrais argumenter contre les économies: la vérité.
Après la lecture de résumés d'auditions de la commission parlementaire Dexia, il semble que l'économie de vérité a recouvert cette saga. M. Miller, l'ancien CEO de Dexia, a été interrogé par la commission. Il a révélé un pacte secret entre la France et la Belgique. Plus précisément un pacte entre certains membres de gouvernements français et belges. Je fais cette précision car en tant que membre du groupe "Belgique", je ne me rappelle pas avoir participé ce pacte secret.
Révéler un pacte secret peut être interprété comme une diffusion de la vérité. Mais j'argumenterais plutôt qu'il s'agit un symptôme d'une économie de vérité du passé. Je ne me rappelle pas avoir vu cette information dans les rapports annuels de Dexia entre 2006 et 2008, quand Mr Miller était CEO. Ce qui veut dire que pendant cette période il a été économe avec la vérité envers les actionnaires de Dexia, ceux qui payaient son salaire.
Mr Piret, le Chief Risk Officer de Dexia, a aussi été interrogé mais a huis clos. Je me demande pourquoi a huis clos puisqu'il est interrogé pas un parlement qui me représente et que lui-même représente Dexia qui m'appartient à travers l'actionnariat de l'état. C'est comme si mon oreille droite ne pouvait pas écouter quand ma bouche parle à mon oreille gauche.
Il a indiqué avoir "alerté le comité de direction sur la situation de liquidité du groupe". Qu'à l'intérieur du groupe Dexia certaines personnes avaient des doutes sur la stratégie n'est pas une surprise, même vu de l'extérieur du groupe. J'en parlais déjà dans un blog précèdent. Là où une économie avec la vérité apparait c'est quand il parle de la "situation de liquidité du groupe", non pas que la situation soit bonne, mais c'est là confondre les symptômes et la maladie. La crise n'est pas une crise de liquidité; demandez aux banques centrales d'Europe, des Etat-Unis, de Suisse ou du Japon: elle croulent sous les liquidités, payent des intérêts négatifs (c'est-à-demandent des intérêts pour conserver votre argent) et ne savent pas comment se débarrasser des liquidités. Le problème est un problème de crédit; "on" ne veut pas prêter à Dexia parce qu'on est pas sur de revoir son argent. Cette incertitude est due aux risques (de crédit) gigantesques des portefeuilles de Dexia, risques supervisés depuis plus de cinq ans par le même Mr Piret. J'irais une étape plus loin, en disant que le problème est dans l'économie de vérité de Dexia vis-à-vis de ses créditeurs. Ce problème n'est pas un problème spécifique à Dexia mais un problème général des banques et des institutions financières. Après avoir été économes avec la vérité depuis de années, les banquiers (qui ne sont pas complètement stupides) ont commencé à réaliser que peut-être les autres institutions financières étaient aussi économes avec la vérité; et donc tout le monde a peur de tout le monde et chacun range les liquidités disponibles là ou il peut: dans les coffres (disques durs) des banques centrales.
Oui il y a une crise de liquidité et de crédit mais ce ne sont que des symptômes. Mrs Miller et Piret, la vraie crise est la crise d'économie de vérité, celle que vous avez commencée, ou à tout le moins accélérée.
On peut aussi noter les contradictions entre le témoignage de Miller disant "avoir suivi les recommandations des équipes des risques" et celui et celui de Piret disant "ne pas avoir été entendu". Une économie supplémentaire de vérité dans une saga qui n'en manque pas.
Mr Kubla a aussi témoigné, il a été plus direct que moi en ce qui concerne la vérité, il a dit "Je considère qu'on nous a menti". Il explique que les informations qu'il recevait étaient toujours rassurantes. Je n'ai participé à aucun conseil d'administration de Dexia (mais au cas où quelqu'un le demanderais, je peux me libérer un jour ou deux jours par mois) et je ne sais pas quelles informations Mr Kubla a reçues mais il semble indiqué qu'il n'a pas reçu des informations très précises sur la situation de la société et qu'il n'a pas demandé plus que ce qu'on lui donnait. Pour cela on pourrait penser qu'il a été économe avec la vérité sur sa capacité à être membre de ce conseil d'administration.
Concernant les différents témoignages de Mariani, De Haene, Miller et cie, je suis surpris par les réponses du genres "on ne pouvait pas prévoir" ou "on a été surpris". Bien sûr on ne peut demander des prévisions exactes faites en avance sur le déroulement de la crise. Dans ce sens il est normal qu'ils n'avaient pas prévus la crise. Il y a un autre sens à "prévisions": celui d'analyser l'étendue des futures possibles et pour chacun d'entre eux d'avoir une statégie pour la compagnie. Je voudrais voir un business plan de Dexia de 2007 qui indique les grandes lignes de la stratégie en cas d'une baisse importante des prix de l'immobilier aux Etats-Unis, une difficulté des emprunteurs (privés et publiques) surendettés à rembourser, une hausse des prix pétrolier et une difficulté d'approvisionnement en énergie, un cataclysme climatique majeur, … Les deux premiers scénarios sont devenus réalités, les deux autres pas, mais la question n'est pas là, la question est de savoir si ces analyses ont été faites et si oui quels étaient les résultats. D'après ce que j'entends, cela n'a jamais été fait, ils ont simplement pris un scénario rose et rêvé d'un future qui n'existera jamais.
"Gouverner, c'est prévoir" disait Emile de Girardin au XIXeme siècle. Il semble que les "gouvernant" du XXIeme siècle soient arrivés dans ce XXIeme siècle sans passer pas la case XIX.
Mrs Mariani, Miller, Piret, Richard, De Haene, Kubla, Di Rupo, Vermeiren et messieurs les membres du comité de direction et du conseil d'administration, avez-vous été économes avec la vérité sur les dangers de vos actions ou simplement économes avec vos efforts?
A peu près au même moment que ces témoignages sont publiés, un jugement a été rendu dans un procès lié à l'amiante et à la société Eternit. La valeur d'un vie humaine ne peut être comparé à quelques zéros (ou absence de zéros) écrits sur une feuille de papier qu'on appelle un bilan. Néanmoins je ne peux m'empêcher de comparer un attendu du jugement qui parle de " […] minimisé et dissimulé durant des années les dangers […]" avec la situation de Dexia. Je ne sais pas si légalement il y a une interdiction de minimiser et dissimuler durant des années les danger des décisions d'un conseil d'administration, mais d'un point de vue de gouvernance d'entreprise il y a une obligation de vérité envers les actionnaires. Je recommande comme "sentence" pour les administrateurs et membres du comité de direction de Dexia la sentence que je recommandais pour un d'entre-eux dans un blog précèdent: interdiction de conseil d'administration/comité de direction de n'importe quelle entreprise liée à la finance et un "examen d'entrée" pour tout autre poste a responsabilité!
Je sais cette sentence est un rêve, mais moi aussi je peux rêver d'un future qui n'existera jamais!