Comme pour l'audition de Mr Thiry lundi, je ne prétends en rien faire un résumé de l'audition, simplement je mentionne quelques points qui ont retenus mon attention.
Mr Mariani est meilleur orateur et beaucoup plus fin "politicien" que Mr Thiry. A mes yeux cette dernière caractéristique n'est pas un compliment; cela veut dire qu'il est plus difficile d'obtenir une réponse claire à certaines questions. On sent que l'expérience première de Mr Mariani est une expérience politique (il était chef de cabinet de N. Sarkozy) avant d'être une expérience de banquier. C'est triste, on a pas eu droit aux jolies expressions de "monnaie de singe" et de "doux dingue" utilisées par Mr Thiry.
La premier point qui a retenu mon attention est la rengaine habituelle de dire que si on avait crée une "bad bank" cela aurait nécessité 20 milliards en augmentation de capital. Il est vrai que les différentes structures composant Dexia auraient été obligées de déclarer leurs pertes plutôt que de les cacher derrière des artifices comptables, mais cela n'aurait en rien changé la valeur économique du tout. La présidente le lui a fait remarqué en déclarant: "Vous ne vouliez simplement pas acter des pertes". C'était un des principes de la "gestion des risques" chez Enron que cette gestion devait se baser sur les chiffres comptables plutôt que la réalité économique et avait pour finalité d'améliorer ces chiffres. Peut-être y a-t-il un lien caché entre la défunte Enron et la presque défunte Dexia SA.
Mais certainement ce petit jeu devient lassant; si chaque auditionné joue avec les mots on n'est pas sur d'obtenir un jour "toute la vérité". Et il semble que Mr Mariani soit très fort au petit jeu de "jouer avec les mots" (voir ci-dessous).
Le deuxième point est le rapport entre les prêts de Dexia Bank Belgium (DBB) à Dexia SA et DCL et la garantie des états. Cette intervention a été rapportée de manière un peu confuse dans la presse; probablement parce que l'explication de Mr Mariani était confuse. Il n'est pas clair pour moi si cette confusion est intentionnelle ou si elle est le reflet de la compréhension personnelle de l'orateur. La structure "Dexia résiduelle" a actuellement besoin de la garantie et de DBB pour son financement. Si elle utilise la garantie elle doit en premier lieu rembourser DBB (c'est une des conditions de la garantie, si j'ai bien compris). Il n'a pas indiqué à quelles conditions (quels taux) étaient faits les prêts de DBB à Dexia SA (et personne le l'a demandé) mais on peut supposer que c'est aux conditions d'"amis" du temps de la solidarité d'un groupe unique. Par contre les emprunts avec garantie des états requièrent le payement d'une prime. Il n'y a donc pas d'urgence pour Dexia SA à rembourser DBB. La garantie provisoire et partielle est de 45 mlds maximum; si elle était utilisée dans son entièreté elle servirait pour moitié à rembourser DBB. Il vaut mieux attendre la garantie totale de 90 milliards avant de s'en servir. Mr Mariani a obscurci cela en parlant de "collatéral" bien qu'il y n'y ait de collatéral ni dans les prêts de DBB (c'est pour cela qu'ils sont dangereux pour DBB) ni dans la garantie des états. Il se justifie en disant que s'il y avait assez de collatéral de qualité dans les portefeuilles de Dexia, elle pourrait emprunter avec collatéral (à la BCE ou dans le marché "repo") et n'aurait pas besoin de la garantie. Mais cela je crois que tout le monde en est conscient: si Dexia SA était un holding sain avec des portefeuilles sains, il n'y aurait pas besoin de garantie des états (et il n'y aurait pas de "Commission Dexia")
Il semble que Dexia a emprunté en décembre à travers le mécanisme d'emprunts d'urgence dans le système de la BCE. Quand le député Gilkinet lui a demandé plus de détails, Mr Mariani a indiqué poliment mais fermement que ce n'était "pas une information publique". Cela rappelle la demande de Mr Piret (CRO de Dexia) d'être entendu à huis-clos. Voilà un CEO d'une institution en partie propriété de l'état (Dexia SA) qui parle d'emprunts faits à un institution publique, en partie propriété de l'état (la BNB) avec des représentants de l'états (les députés) et qui se cache derrières un "secret". Encore une fois, c'est comme si mon oreille droite ne pouvait pas écouter quand ma bouche parle à mon oreille gauche! Une autre question intéressante serait de savoir qui exactement a emprunté en utilisant le mécanisme d'urgence; Dexia SA n'étant pas une banque, elle n'a normalement pas accès à ce mécanisme. Les emprunts ayant été faits par une banque belge, il ne reste que DBB. Mais DBB ne fait plus partie du groupe Dexia. Pour moi les détails exacts de ces emprunts d'urgence restent un mystère.
Plusieurs questions ont été posées pour savoir quand exactement le "démantèlement" avait été discuté pour la première fois au conseil d'administration. Mr Mariani a été très attentif (et très long) pour dire que cela n'avait jamais été discuté avant octobre 2011. A un moment il a fait la déclaration suivante: "Quand Mr Dehaene et moi avons déclaré que la scission de Dexia n'était pas envisagée, nous voulions dire qu'aucune scission de l'actionnariat n'était envisagée." Je ne sais pas exactement ce que "scission de l'actionnariat" veut dire, mais pour moi cela ressemble fort à la répétition d'une défense prévue pour l'enquête ouverte par le parquet à propos des communications faites par Dexia aux actionnaires avant le démantèlement.
"Un astrologue ne saurait avoir le privilège de se tromper toujours ».
Voltaire
Et donc il faut bien que je sois d'accord avec Mr Mariani sur au moins un point. Là où je suis (en partie d'accord) avec Mr Mariani, c'est sur les salaires. Les salaires dans la finance sont élevés; si Dexia (SA et DBB) veux garder de bons éléments elle doit payer des salaires compétitifs. Et Dexia aura besoin de bons employés dans les années à venir. Je parle seulement des "bons" et pas des "meilleurs", car il est probable que ces derniers sont déjà en grande partie partis. Je suis seulement en partie d'accord car son explication de cette "nécessité" est assez embrouillée et joue avec les mots (encore une fois). Les employés de Dexia ont un salaire de base et une "prime de fonction". Cette prime est une partie de la rémunération mais porte un autre nom pour des raison "historiques" (et un peu pour des raisons légales). Les salaires dans la finance sont élevés mais les "grilles" Dexia ne reflètent pas ce fait et donc il faut donner un autre nom à une partie de la rémunération pour résoudre le problème. Problème qui est seulement un problème interne d'apparence et pas un problème de fond. Utiliser le nom existant de "prime de fonction" pour payer un "bonus" est une autre technique pour ne pas appeler un chat un chat. La "prime" est non-récurrente et récompense (d'après Mr Mariani) le bon travail des équipes. En langage commun cela s'appelle un bonus; pas dans le langage actuel de Dexia. Très bien, nous en prenons note, mais cela ne change en rien le fond des choses. Mr Mariani a aussi déclaré que pour 2008 aucun "bonus" n'avait été payé; encore une fois c'est faire preuve de mauvaise foi et jouer avec les mots. Pour 2008, Dexia a payé des "primes de rétention". Bien que appelées "de rétention" ces primes n'étaient liées à aucune obligation de la part de ceux qui les ont reçues; c'était un bonus qui ne disait pas son nom. Mr Mariani aime aussi dire du mal de la direction précédente. Et il ne s'en est pas privé quand il a parlé des salaires et de celui de son prédécesseur en particulier. Il semble que Mr Mariani a une rancune personnelle contre son prédécesseur, Axel Miller; peut-être parce que celui-ci était apprécié des employés.
Depuis le début de la commission, on a l'impression d'entendre toujours un peu la même chose mais de ne pas avoir toute la clarté voulue. J'espère que les députés on une vue plus claire que la mienne et que cela leur permettra de proposer des conclusions claires pour améliorer les choses. Ayons confiance!
Risk management strategies are directed at accounting, rather than economic, performance.
Enron in-house risk-management manual.
Got for a business than any idiot can run, because sooner or later any idiot is going to run it.
Peter Lynch - grand investisseur - 1944