Il y a une vielle blague sur les mathématiciens: Un mathématicien est quelqu'un qui croit que si trois personnes sont supposées être dans une pièce et cinq personnes en sortent, il faut que deux personnes y retournent pour que la pièce soit vide. On peut voir cela de deux façons; soit les mathématiciens sont des gens qui n'ont aucun sens des réalités ou bien ils sont des précurseurs qui n'ont pas peur des nombres négatifs et qui ont inventé l'anti-matière avant les autres.
Le titre de ce blog est "Soyons négatifs!", ce n'est pas une incitation à la dépression mais plutôt une suggestion de voir les taux négatifs comme une marque de confiance. Je voudrais donc faire une petite liste des marchés financiers où on peut trouver des taux négatifs, juste pour le plaisir d'une compilation de confiance.
Il y a quelques années la "sagesse" parmi les économistes et financiers était que les taux d'intérêts ne pouvaient pas être négatifs. L'explication était que si les taux sont négatifs, on peut emprunter à des taux négatifs, aller chercher des billets à la banque et les garder sous son matelas avec un profit certain (un "free lunch"). Un tel raisonnement n'est que très superficiellement convaincant. Un raisonnement similaire pourrait montrer que les taux ne pourraient être positifs. Si les taux sont positifs, tous ceux qui ont des billets les apporteraient à la banque pour recevoir des intérêts; pourtant il y a des milliards d'euros en circulation en billet de 500 euros. Simplement les instruments financiers avec intérêts et les billets de banque sont des manières différentes de conserver de la valeur; elles sont proches mais pas identiques.
J'en viens donc à ma liste d'instruments à taux négatifs.
Je commence par quelque chose de facile (c'est l'entrée): les taux d'intérêts réels, c'est-à-dire les taux d'intérêts au dessus de l'inflation. Un certain nombre d'états émettent des obligations dont les coupons ne sont pas fixes mais un certain taux au-dessus de l'inflation (obligations appelée "inflation linked bonds"). Les principaux émetteurs de ces obligations sont les USA, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Grèce et l'Allemagne. La Belgique ne fait pas partie de cette liste et personnellement je trouve cela dommage. Le Royaume-Uni est l'exemple le plus spectaculaire de taux réels négatifs: toutes ses obligations liées à l'inflation ont des taux négatifs, et il y en a avec des maturités jusqu'à 50 ans (mars 2063). Cela veut dire que certains sont prêts a investir sur 50 ans en sachant qu'à la fin ils pourront acheter moins de pains qu'avec l'argent qu'ils investissent maintenant (une particularité du marché britannique est des contraintes réglementaires sur des fonds de pension). Les taux réels varient entre -2.2% et - 0.12% Ensuite je mentionnerai l'Allemagne dont toutes les obligations liées à l'inflation sont également à taux négatifs mais il y en a seulement quatre avec des maturités de huit ans maximum (entre -1.12% et -0.18%). Les taux des "TIPS" américains sont négatifs jusqu'aux maturité juillet 2021 (le plus bas -1.47%). Pour la France les taux des obligations avec maturité jusqu'en juillet 2013 sont négatifs (le plus bas est -1.57%), les taux des obligations de plus longue maturité sont positifs. Comme on peut s'y attendre les taux Italiens et grecques ne sont pas négatifs; il sont même très positifs (+4% à +6% pour l'Italie et +25% pour la Grèce).
Maintenant le plat de résistance: les taux nominaux. Là il y a beaucoup plus de place où regarder. Commençons par le plus connu: l'Allemagne. Les certificats de trésorerie (Bubills) ont tous des taux négatifs (entre -0.18% et -0.01%). Si on veut des taux positifs il faut investir pour deux ans! Puis notre voisin, les Pays-Bas avec des taux négatifs jusqu'à trois mois (entre -0.14% et -0.02%). Un moins connu peut-être: la Finlande. Les taux gouvernementaux y sont négatifs jusqu'à deux mois (entre -0.07% et -0.05%). Ensuite le plus spectaculaire: la Suisse. Les obligations gouvernementales ont des taux négatifs jusqu'à 3.5 ans de maturité (de -0.18% à -0.06%). Le taux des obligations avec maturité de deux ans ont été négatifs de manière régulière depuis aout 2011. Les taux interbancaires ont été négatifs entre août et octobre 2011 avec un minimum de -0.12%. Le premier future sur Libor en CHF (FES) avait un prix supérieur à 100% (un taux implicite négatif) entre août et octobre 2011 et de mi-décembre au début janvier. Le taux au jour le jour a été aussi bas que -0.29% (aout 2011). Les swaps contre taux ou jour le jours (OIS) sont négatifs jusqu'aux maturité de deux ans. Et pour terminer, USA. Les taux des tresuary Bills sont pour le moment positifs mais ils étaient négatif à certains moments en 2008 et 2009 (blog WJS) et en septembre et décembre 2011.
La vielle "rumeur populaire" d'économistes et de financiers sur l'impossibilité des taux négatifs est de plus en plus démentie par "la main invisible" des marchés. Je lance donc un appel généralisé: Soyons négatifs! Ce appel doit être interprété comme: Inspirons tellement confiance qu'on nous prête à des taux négatifs! Evitons d'être Econome avec la vérité!
Un hiver avec des températures négatives! |