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vendredi 9 novembre 2012

Recapitaliser Dexia: un choix, pas une obligation

Le premier ministre a déclaré récemment que "Recapitaliser Dexia est une obligation, pas un choix". Ce propos et clairement erroné et j'irai même jusqu'à dire mensonger. A quelques semaines de l'assemblée générale extraordinaire de Dexia qui doit se tenir le 21 décembre 2012, cela vaut la peine de s'interroger sur cette recapitalisation.

Dire qu'il n'y a pas de choix est un double mensonge de la part du premier ministre. C'est d'abord contraire aux faits, il n'y a aucune obligation légale ou autre de faire cette recapitalisation. Les actionnaires d'une entreprise n'ont pas d'obligation au-delà de capital déjà investit. Ensuite c'est un mensonge car la possibilité de ne pas faire d'augmentation de capital et de laisser Dexia mourir de sa mort naturelle a été discutée explicitement par l'état et Dexia. Comme on dit dans les journaux, j'ai cette information de sources familières avec le dossier  qui souhaitent rester anonymes.

Les obligations du passé


Dire qu'il y a un choix ne veut pas dire qu'il est trivial. Le choix se fait sous contraintes, mais le choix existe. Les contraintes viennent du passé et proviennent des choix faits par les gouvernements successifs et les conseils d'administration de Dexia. A ce point il convient déjà de noté que notre premier ministre actuel, Mr Di Rupo, entre dans les deux catégories: il a fait partie des gouvernements de ces dernières années (directement ou indirectement) et partie du conseil d'administration de Dexia (voir ici).

Le gouvernement a engagé le pays par le passé dans la débâcle Dexia, à travers les garanties. La légalité de ces engagements doit encore être jugée par les tribunaux (si je me souviens bien il y a au moins une plainte contre ces engagements faits par un gouvernement en affaires courantes), mais d'un point de vue des marchés financiers, la Belgique a offert une garantie, si elle s'en dégage, même à travers les tribunaux, elle sera considérée comme en défaut de paiement. Si Dexia n'est pas re-capitalisée, cela aura un coût en garantie pour la Belgique. Le choix est donc soit de payer à travers la garantie, soit à travers une re-capitalisation à fonds perdus. Dexia n'ayant plus aucune activité commerciale en Belgique (et très limitées en France) l'impact est simplement financier et il n'y a pas de dysfonctionnement direct d'une banque de détail.

Sur ce point, je suis d'accord avec la commission Européenne, la recapitalisation est à fonds perdus et doit être considérée comme un dépense et non comme un investissement. A tous le moins la valeur de l'investissement doit être la valeur de marché après la recapitalisation. Mon pronostic est qu'il ne restera pas grand chose de cet "investissement".

La Belgique doit aussi tenir compte du fait que l'un des créditeurs important de Dexia est Belfius dont l'état est le seul actionnaire. D'un point de vue financier, il vaut sans doute mieux attendre que Dexia ait remboursé Belfius de la majorité des ses prêts avant de décider d'abandonner Dexia, si une telle décision est prise.

Comprendre les choix.


Je suis d'accord avec le premier ministre quand il dit que le gouvernement ne peut pas abandonner Dexia et s'en laver les mains, le gouvernement a pris des décisions dans le passé qui font qu'il ne peut pas se débarrasser du problème aujourd'hui. Mais je ne suis pas d'accord avec lui quand il dit qu'il n'y a pas de choix. Je voudrais voir un rapport clair des différentes possibilités avec leurs avantages et inconvénients. Mais qui peut écrire un tel rapport? Le gouvernement directement, les "experts" de la commission Dexia, Dexia elle-même, une banque d'investissement, ou quelqu'un d'autre? Passons les différentes possibilités en revue:
- Le gouvernement: les membres du gouvernement n'ont pas les compétences personnelles pour une telle étude. De plus il y a un conflit d'intérêts évident par rapport à ses décisions précédentes et un conflit d'intérêts personnel dans le chef du premier ministre lui-même (comme expliqué ici).
- Les "experts" de la commission Dexia: J'utilise les guillemets autour de "experts" car si ces personnes sont sans doute expert en quelques chose, elles ne l'étaient visiblement pas pour tous les aspects de l'analyse du dossier Dexia. J'en ai parlé dans mes blogs précédents (ici et ) et je suis toujours surpris que personne d'autre (politiciens, journaux) n'en parle.
- Dexia: Il y a là aussi un immense conflit d'intérêts. Le management actuel de Dexia est (bien) payé et a tout intérêt à faire durer la liquidation. Je ne connais pas beaucoup de patron de PME (c'est ce qu'est devenu Dexia holding aujourd'hui) qui sont payés 800,000 EUR/an sans risque et sans avoir investit un centime dans leur entreprise. Pourtant c'est le cas de Mr De Boeck, licencié en économie avec un grande dis, dont les faits d'armes sont d'avoir été CRO de Fortis qui a échoué pour avoir pris trop de risque et responsable de l'intégration ratée de ABN (voir ici).
- Banque d'investissement: là aussi il y a un conflit d'intérêts évident. Elles ont toutes directement ou indirectement des prêts, obligations ou des produits dérivés avec Dexia. Pour elles il est très utile que les pourvoirs publics supportent Dexia.
- Quelqu'un d'autre: mais qui? Ma proposition est de donner accès au dossier à des "citoyens experts", de manière assez large. Je ne pense pas qu'il y aura un nombre gigantesque de demande d'accès au dossier, surtout si on exige en retour un rapport avec un contenu minimum. Mais je vois bien quelques consultants proposer un rapport pour se faire un peu de publicité et quelques citoyens experts, comme des professeurs d'université ou des chercheurs avec des connaissance pointues, s'intéresser au dossier. Personnellement je me suis intéressé au dossier de la commission Dexia en allant à plusieurs auditions publiques (ici et ) et en lissant plusieurs rapports (opinion ici et la); comme c'est moi qui paye (un dix millionième de) la facture de la recapitalisation,  j'estime avoir mon mot à dire.

La raison des mensonges?


On peut se poser la question du pourquoi ces mensonges. J'y vois deux raisons:
- Pour tromper les électeurs: pour pouvoir dire, lors des prochaines élections: "c'est pas ma faute". De la part du premier ministre, c'est pour moi doublement da faute: 1) comme membre du conseil d'administration de Dexia qui a autorisé la croissance incontrôlée du bilan entre 2004 et 2007, ce qui a mené à la chute de 2007-2011; 2) il (comme président d'un parti au pouvoir et puis comme premier ministre) a participé aux négociations et aux choix faits.
- Pour tromper les marchés financiers: Dire explicitement que l'on songe a mettre Dexia en faillite n'est pas bon pour Dexia et pour l'état son garant. Mais personne n'est dupe, les décideurs financiers savent que ces discussions ont lieu. Si moi, depuis mon bureau et sans "insider information" j'ai une idée de ce qui se passe chez Dexia, il n'y a pas de doute que les banques et investisseurs institutionnels qui ont des contacts réguliers, invitent des membres du management au restaurant et recrutent des gens qui quittent Dexia ont de meilleures informations que moi.

Business plan?


Je voudrais voir un business plan de Dexia qui inclus des risques de défauts réalistes pour les obligations du portefeuille, un cout de financement sur le long terme réaliste et une couverture des risques réaliste. Et avec cela la sensibilité du plan aux hypothèses faites. Et le "coût de financement" doit inclure l'impact sur le financement de l'état des obligations supplémentaire ainsi créées. Si un tel plan montre qu'il y a intérêts a garder Dexia sur le long terme plutôt que de le mettre en faillite ou le liquider immédiatement, je suis prêt à le supporter. Il va sans dire que le plan doit être public, réaliste et convainquant, mais cela va encore mieux en le disant. En l'absence d'un tel plan et en présence des nombreux conflit d'intérêts dans le chef des décideurs, mon opinion est fortement en faveur de ne pas continuer a maintenir ce zombie sur le long terme. Ce n'est pas en se cachant la vérité et en la découvrant quand il est trop tard que le problème sera résolu efficacement. C'est ce que les dirigeants de Dexia (Mariani en tête et maintenant De Boek) on fait depuis 2008 et on en voit les conséquences.

En conclusion, je répète (presque) le titre:
Recapitaliser Dexia: un choix qui devrait être fait en connaissance de cause et non pas une obligation décrétée par des acteurs avec des conflits d'intérêts flagrants.

J'ai vu un troupeau terriblement dangereux de moutons dociles.
Paul Krugman - 1997

samedi 5 mai 2012

En lisant la presse…

Ethias...


Finance change de nom (Vitrufin) et reconnait enfin les pertes faites sur son investissement dans Dexia il y a plusieurs années. Mais c'est la norme chez Ethias d'attendre un peu avant de reconnaitre la vérité (voir l'audition de Mr Thiry a la commission Dexia: http://citoyennaif.blogspot.com/2012/01/commission-dexia-audition-de-mr-thiry.html). D'où une perte de presque 250 millions. On sait maintenant à quoi ont servi les 280 millions empruntés par le même Ethias et en grande partie souscrits par l'état et les régions. Mais ce même état et ces mêmes régions reverront-ils la couleur de leur argent? La question est encore ouverte...

Et on reparle de Karel De Boeck...

Il semble y avoir un consensus en kern sur la désignation de Karel De Boeck comme CEO de Dexia. Pour rappel ce Mr De Boek est celui devenu célèbre pour ses compétences chez Fortis. Ancien directeur du marketing et du réseau et puis en charge des Medium-sized Enterprises and Corporate, il était devenu pour quelques mois CEO de Fortis/Ageas, après avoir été en charge de la fusion (avortée) avec ABN Amro.

Quand on mettait en doute ses compétences, il mettait en évidence son titre universitaire de 1974 (licence en économie) et son grade (grande distinction). Personnellement, si je peux choisir les compétences universitaire de la direction, je préfèrerais un docteur qui a obtenu son diplôme avec la plus grande distinction et les félicitations du jury, qui est un expert reconnu internationalement, qui publie des articles de recherche de manière régulière et qui a plus de 10 ans d'expérience dans le monde bancaire. Mais c'est mon goût personnel: http://citoyennaif.blogspot.com/2011/12/voeux-et-conseils-dadministration.html

Ajouté le 8 mai 2012: Quel chasseur de têtes a été utilisé pour recruter Mr De Boeck? J'ai regardé sur LinkedIn avec Google : "finance risk management phd research publication belgium site:linkedin.com". Il y a en Belgique pas mal d'experts qui pourraient aider le gouvernement. Quelqu'un a-t-il pensé à les contacter? Remarquez que le profile de De Boeck n'apparait pas parmi les premiers.

Il est aussi amusant de lire le profile de Mr De Boeck sur LinkedIn. On y apprend qu'il "recieved a 3 year grant for a PhD at MIT but did not use it" (les fautes sont de lui). Il considère une bourse de doctorat sans avoir présenté sa thèse comme quelque chose d'important pour son CV. Peut-être voulait-il mettre le MIT sur son CV sans avoir obtenu de diplôme de cette vénérable institution.

On peut aussi rappeler parmi les exploits de Mr De Boeck la perte de 300 millions d'euro, sous sa responsabilité de CEO, suite à des transactions de change hâtives au moment de la tentative de vente de certaines parties de Fortis.

Il a été Chief Risk Officer de Fortis (mais sans expérience préalable dans la gestion des risques) de 2007 à 2008, c'est-à-dire exactement au moment de la débâcle de Fortis qui n'a pas réussi a gérer les risques de son bilan et de l'intégration de ABN (dont il a été responsable).

samedi 14 avril 2012

Rapport de la commission Dexia - lecture du rapport - les recommandations

Après avoir analysé les constatations dans mon blog précédent, je passe en revue les recommandations qui m'ont marquées, en bien ou en mal. Les recommandations ont été votées majorité contre opposition, il n'y a donc pas de consensus sur celles-ci. Je fais ma revue à travers un "J'aime! J'aime pas!". Les numéros réfèrent aux numéros des recommandations dans le rapport. Certaines recommandations sont dans les deux catégories.

J'aime!


1. Assister le consommateur dans l'appréciation des risques. Plus de transparence est certainement une bonne chose.

4. Renforcer le contrôle ex ante.

7. Fluidité et la qualité des informations. Cette recommandation devrait s'étendre aux actionnaires, eux aussi doivent être informés.

8. Les autorités de contrôle doivent être prévenues dès qu’une mise en garde est intervenue au sein de l’entreprise. Cela veut dire qu'elle ne l'ont pas été dans le cas de Dexia. Ne devrait-on pas aussi recommander aux autorités de contrôle de créer un moyen de communication à travers lequel les mises en grade peuvent être faites et une protection légale est assurée à ceux qui les font?

10. Le principe “fit and proper” soit mieux appliqué dans toutes les catégories de personnel des établissements financiers. /  33. Renforcer la qualité, l’expertise et l’éthique des administrateurs et des membres de la direction. - D’assurer aussi la diversité des spécialisations et de l’expérience antérieure des membres. / 34 La commission recommande de définir les profils requis des membres des organes des établissements financiers. Il semble évident de demander des gens compétents pour les fonctions vitales. Mais si cette recommandation est mise en pratique, elle amènera des changements, en particulier dans les comités de direction, les conseils d'administration et … le choix des experts de la commission. Je suis certainement en faveur de ces recommandations et faisais des recommandations similaires dans mes blog précédents. Malheureusement je constatais (ici et ici) que pour les nominations récentes, le monde politique belge n'a pas suivi ces recommandations. Pour les administrateurs de Belfius, l'expertise bancaire n'est pas claire pour la plupart d'entre-eux et la diversité est totalement absente (seulement des économistes et des juristes, spécialités minoritaires dans les salles de marché et la gestion des risques).

20. Une relation très clémente s’installe entre superviseur et supervisé. 44. Renforce les règles d’indépendance et celles relatives aux conflits d’intérêts des réviseurs d’entreprises.
La relation clémente entre superviseur et supervisés, n'est pas une recommandation mais une constatation, qui n'est pas très positive pour les  superviseurs. La même chose peut être dite des réviseurs, si la recommandation propose de renforcer leur indépendance, c'est quelle était défaillante dans la situation analysée.

39. Une présence garantie du responsable risk management lors de chaque réunion du conseil d’administration.
Il est important qu'un gestionnaire de risques puisse donner son point de vue. La recommandation serait mieux si le terme "responsable" était remplacé par le terme "expert", avoir la responsabilité d'organisation d'une équipe ne transforme pas une personne en expert du sujet.

45. Les actionnaires de référence d’institutions financières systémiques ne puissent porter atteinte aux principes de bonne gouvernance de ces institutions par l’entremise des administrateurs qui les représentent.
Cette recommandation est clairement dirigée vers les représentants d'ARCO, du Holding Communal et de l'état français. La recommandation aurait pu être complétée par une suggestion d'entamer des poursuites à l'encontre de ceux qui n'ont pas respecté les prescrits légaux.

J'aime pas!


1. Agrément spécifique pour les nouveaux produits grand public. Il n'y a nulle part dans les constatations une discussion de produits qui, dans la saga Dexia, ont crée un problème systématique pour le grand public. Je ne sais pas ce que les commissaires ont à l'esprit avec cette recommandation. Les produits les plus compliqués qui sont vendus au grand public sont les actions et les obligations gouvernementales: les actions sont des participations dans des entreprises avec des stratégies compliquées, qui peuvent changer et avec plusieurs niveaux de décisions; les obligations gouvernementales portent le risque habituel des obligations plus le risque légal qu'un gouvernement change les règles en cour de jeu, comme la Grèce l'a fait; ces produits sont bien plus compliqués et risqués que les produits dit structurés, qui eux ont des règles claires. Si ce n'est pas les produits que la commission a à l'esprit, je lui suggère de s'abstenir sur ce point. Prétendre qu'une commission aurait une meilleure compréhension des besoins de tous les citoyens individuellement semble un peu exagéré.

29. Des taux de plus en plus élevés suivant l'échéance. J'ai déjà dit le mal que je pense de cette recommandation, qui est équivalente à imposer une crise à venir, dans mon premier blog sur le rapport.

39. Une présence garantie du responsable risk management lors de chaque réunion du conseil d’administration.
Il est bien d'inviter un contrôleur de risques, mais il serait peut-être encore mieux d'inviter un preneur de risques. Les traders et gestionnaires de portefeuilles ont sans doute aussi un point de vue qu'il est important d'entendre. La commission recommande de renforcer le contrôle ex ante (recommandation 4) mais suggère d'inviter aux réunions seulement ceux qui contrôlent ex post.

53. Interdire la possibilité de procéder à des augmentations de capital en prêtant des fonds aux actionnaires d’une entité appartenant au périmètre d’un groupe.
Le problème n'est pas d'interdire cette pratique mais de clarifier que l'augmentation n'est pas prise en compte comme capital réglementaire. Le rapport indique que c'est déjà le cas mais que pour Dexia, les régulateurs ont décidé de ne tenir compte de ce fait qu'a partir de 2014 avec un étalement progressif sur 5 ans. Cela semble un bon cas d'application de la constatation dans la recommandation 20: Une relation très clémente s’installe entre superviseur et supervisé.

Conclusions


Pour certaines conclusions, le rapport enfonce des portes ouvertes, mais pourquoi pas? Il n'y a jamais assez de bonnes recommandations. Pour d'autres, les recommandations sont du style "il faut respecter les règles" et "il faut des responsables compétents"; cela semble aussi évident, mais doit être rappelé parce que cela n'a pas été le cas dans la situation analysée. Peut-être les constations auraient-elles pu être plus claires à propos de qui n'a pas respecté les règles et qui n'était pas compétent. Pour finir, il y a des recommandations qui ne me semblent pas très bien pensées ou pas appropriées.

dimanche 8 avril 2012

Rapport de la commission Dexia - lecture du rapport - les constatations

J'ai trouvé le rapport de la chambre et je l'ai lu. Je n'ai pas lu l'entièreté des 421 pages, mais presque (disons que j'ai passé une cinquantaine de pages de chiffres, d'extraits de communiqués de presse et de comparaisons).

Avant de passer à l'analyse elle-même, je dois dire que je suis heureux de l'existence de cette commission, du rapport et du fait qu'il soit possible de discuter de manière (presque) transparente de problèmes. Ci-dessous je suis assez critique du rapport; ces critiques doivent être prise comme des pistes pour une amélioration du processus et certainement pas un plaidoyer contre son existence.

En lisant le rapport, j'ai trouvé beaucoup de similitudes avec certains de mes blog sur Dexia. Je n'ai pas eu accès aux documents confidentiels des experts (les députés non plus d'ailleurs) ou a des "sources", mais simplement en connaissant en profondeur le fonctionnement des banques et en utilisant les informations publiques on peut deviner beaucoup de choses. Je ferai références à mes blogs précédents où cela est le cas.

Le rapport est divisé en deux parties: les constatations et les recommandations. Mon analyse sera divisé de la même façon. Pour les recommandations, vous devrez revenir dans quelques jours. Comme toujours, je ne fais pas un résumé du rapport mais je donne mes impressions; il y a donc des éléments importants que je ne mentionne pas parce qu'ils ne m'ont pas marqué spécialement.

Comme précédemment je commence par la forme. Rappelons le, le rapport a été écrit par une commission parlementaire et n'est donc pas neutre. Cela semble clair à sa lecture, les noms des administrateurs politiques (de Dexia et du Holding Communal) ne sont pas indiqués, ils auraient mérité de tous être mentionnés. Il faut aussi insister sur le fait que c'était une commission spéciale et pas une commission d'enquête. Elle n'avait donc pas beaucoup de pouvoir. En particulier elle n'avait pas le pouvoir de forcer les acteurs a témoigner. Deux de ces acteurs ont pleinement profité de cette absence de pouvoir: l'ancienne commissaire européenne Mme Kroes et l'ancien premier ministre belge Mr Leterme. Ces deux personnes ont perdu toute crédibilité dans la vie publique en refusant d'être auditionnés. Comme je le mentionnais dans mon blog précédent sur rapport de la commission [http://citoyennaif.blogspot.com/2012/03/commission-dexia-le-rapport-1.html] le seul rapporteur membre de l'opposition a été exclu de cette fonction. Le rapport ne donne pas plus d'indication du pourquoi de cette exclusion; il indique simplement que "la commission a décidé par 9 voix contre 5 et une abstention que M. Gilkinet ne serait plus rapporteur". Autant pour la transparence. Les règles de fonctionnement de la commission indiquent que "la commission nomme quatre rapporteurs"; la commission n'a pas suivit sont propre règlement jusqu'au bout.

Un autre mot sur la forme. Le rapport contient un certain nombre de graphiques. Ils sont pour la plupart illisibles. Sans doute étaient-ils à l'origine en couleur et ont été transformé en noir et blanc, toujours est-il qu'ils sont presque tous gris et on ne distingue pas les différents éléments. Cela sans parler des erreurs (Figure 2, il y a deux actionnaires avec 50% + 1 action) et des graphique simplement illisibles (Figure 3). Les graphiques semblent avoir été produits par des amateurs: soit des graphiques (sans standardisation) produits par Excel et PowerPoint, soit des copies d'écrans Bloomberg, il y a même un graphique provenant d'un blog (pas le mien). Ils auraient pu utiliser un logiciel convenable et uniformiser cela.

Passons au fond. Il semble que le texte a été écrit en grande partie par les experts (ils étaient payés pour cela) avec la supervision des rapporteurs. A la lecture, on a l'impression que certains passages du texte sont des "copier-coller" de vielles brochures de marketing de Dexia (page 50 et 51 en particulier).

Des petites erreurs (qui s'accumulent)...

 

Le rapport contient pas mal d'erreurs à propos des marchés financiers. Cela semble indiquer que les auteurs (les experts?) n'ont pas une connaissance approfondie des ces marchés. Les doutes que j'exprimais sur ces experts en terme de connaissance des banques et des marchés financiers semblent justifiés.

Il y a une double confusion entre repo (transaction avec collatéral) et OIS (swap lié a un taux interbancaire sans collatéral) : la confusion est entre un prêt et un produit dérivé et entre des prêts avec et sans collatéral; le graphique de ces taux est en USD et pas en EUR. C'est comme si un "expert" de football confondait Barcelone et le Real de Madrid.

A plusieurs endroits il y a une confusion entre "duration" (une mesure de risque de taux) et "durée" (une mesure de temps); les deux mesures sont exprimées dans la même unité (année) mais sont différentes.

Dans le chapitre qui parle des "swaps", il est indiqué à de très nombreuses reprise que le taux de référence est le Bund allemand (à dix ans), cela est bien sur totalement inexact (voir mon blog sur Libor: http://citoyennaif.blogspot.com/2012/03/libor-mon-beau-libor.html). Je comprends mieux maintenant les erreurs parues dans les journaux récemment à ce sujet. Il est indiqué que le taux flottant de référence des swaps est devenu Eonia; c'est également incorrect. Il est vrai que le taux Euribor était vu avant la crise comme un taux presque sans risque et que cette impression a changée et que la référence du taux sans risque est maintenant plutôt Eonia, mais cela ne change pas la référence des swap. Pour reprendre une expression connue, ils ont entendu un âne braire mais ils ne savent pas dans quel pré! Il y a une description d'un exemple de swap (page 281). Les chiffres de l'exemple sont non-cohérents et dans la situation nette, la marge (75bps) disparait, la différence Euribor 3m/6m disparait et le financement de la transaction n'est pas indiqué. Cette différence entre Euribor 3m et 6m n'est pas anecdotique, comme tous ceux qui ont travaillé dans les marchés financiers le savent. Elle était, si on en croit un article de Risk Magazine (http://www.risk.net/risk-magazine/feature/1564177/scaling-peaks-3s-6s-basis), particulièrement importante pour Dexia qui, toujours d'après cet article, a subit des pertes conséquentes sur cette différence et pendant très longtemps ne les a pas reconnues dans ses comptes. Mais les "experts" ne mentionnent pas ce fait important. Le rapport mentionne la possibilité de swap interne avec un groupe d'expert de Dexia pour diminuer les swaps externes. Mais il indique que cette sophistication de gestion n'est pas compatible avec les choix du management et que le coût de l'écurie (leur terme) serait trop important. Le coût salariale de ces experts serait certainement bien moins important que le coût du CEO (environ 1.5 millions par an) et que le coût des consultants extérieurs (80 millions). De plus il semble que de tels experts de renommée internationale étaient présents en interne chez Dexia (un pour le risque de crédit et un pour les taux d'intérêts); au moins un était systématiquement conférencier invité dans les conférences de finance quantitative (c'est facile à vérifier sur internet). De ce point de vue, Dexia semblait bien mieux équipé que les autres banques belges. Ceux qui suivent la finance quantitative de près étaient certainement au courant mais apparemment pas les "experts" de la commission (ni le management). Dans le rapport il y a aussi une "analyse" de la couverture des risques de taux par des swaptions. Cette proposition ne peut être considérée comme sérieuse à cause de l'asymétrie de la couverture, de son coût et du risque sur les résultats. Il y a une autre proposition de fermer les swaps existants pour en ouvrir de nouveaux au pair; en plus du fait que cela est très difficile à faire, cela ne change en rien la position de risque de marché et de liquidité de la banque, mais cela aussi semble échapper aux auteurs.

Pour en finir les petites imprécisions, il y a une comparaison de la situation des swaps de Dexia avec la situation de Metallgeselshaft AG souvent reprise dans les livres d'économie; le fait que ce cas bien connu était une entreprise industrielle (pas une institution financière) qui utilisait des futures (pas des swaps) semble aussi avoir échappé aux auteurs.

De la réalité économique différente de la réalité comptable et de celle des régulateurs


A de nombreux endroits le rapport parle de valorisation. En général il y a un manque de distinction entre la valeur économique (combien peut-on en obtenir maintenant), la valeur comptable et la valeur utilisée dans la régulation (deux chiffres différents mais tous les deux de simple chiffres écrit sur du papier sans nécessairement de référence à une valeur économique). Cette confusion a été entretenue pendant les auditions par les acteurs (Mr Mariani en particulier) et malheureusement le rapport n'aide pas à la clarification. La grande défense du management post-2008 est qu'une gestion différente de la leur aurait créé des pertes supplémentaires importantes. Ces pertes supplémentaires sont comptables et régulatrices, pas économiques. La valeur économique était déjà perdue. Cette confusion a amené le management à prendre de mauvaises décisions, en particulier dans la gestion du risque souverain. Le management ne voyait pas de raison de vendre le portefeuille souverain (au moins une partie) car il n'y avait pas de charge de risque de crédit d'après les régulateurs (Bale II: pondération 0%), pas de perte de liquidité (possibilité de repo) et une promesse de gain faible sur la durée (marge entre l'emprunt court terme et le prêt long terme). Il n'y avait pas de raison urgente de vendre. Cette vue simpliste du management ne résiste évidement pas à une analyse d'un opérateur expérimenté: le risque de crédit nul n'est qu'une invention des régulateurs pour protéger leurs commanditaires (les états), la liquidité est affectée marginalement dans tous les cas à cause des "haircut" et de manière importante en cas de baisse des prix, et les gains faibles potentiels sont compensés par de larges pertes possibles (demandez aux créditeurs de la Grèce). La vente d'une partie du portefeuille souverain, celui-là même qui a porté le coup de grâce à Dexia, avait été proposée par plusieurs experts extérieurs. Le coût des CDS sur Dexia était supérieur aux coûts des CDS sur les états de la zone euro (sauf la Grèce), cela veut dire que le marché dans son ensemble considérait qu'il en coutait plus a Dexia pour se financer que les gains qu'il obtenait par l'investissement. Le choix du management était équivalent à dire: "Nous savons mieux que les autres". Une arrogance dont il est question par ailleurs. Cette erreur du management a été renforcée par une régulation inadéquate. Dans un cas extrême, des ventes qui diminuent le risque économique et ne change pas la valeur économique du portefeuille n'était pas possible car elle augmentaient le risque perçu par les chiffres des régulateurs. Un aveuglement des régulateurs et une myopie et une confusion du management actuel n'ont pas aidé Dexia.

Tant que j'en suis à parler du bilan, je voudrais ajouter quelques informations glanées çà et là. Bien qu'après la recapitalisation de septembre 2008 il y avait une insistance sur la diminution du bilan, celle-ci n'a pas été directe. Il y a une une augmentation du bilan en 2008 (bien que la crise ait débuté en juillet 2007). A l'arrivée du nouveau management, 91 milliards sont passés d'une ligne comptable à l'autre, rendant l'analyse plus difficile. Certains portefeuilles ont grossi entre 2008 et 2010 (le portefeuille souverain en particulier). Il y aurait du avoir une diminution naturelle avec les maturités; un calcul simpliste basé sur une maturité moyenne de 9 ans indiqué dans le rapport, donne une diminution naturelle de 10%. La diminution de la taille du bilan n'a pas été faite de manière très agressive.

Le rapport reprend des chiffres fournis par Dexia sur l'"impact de la crise" sur les résultats de 2008. Une analyse critique de ces chiffres devrait se demander quel était l'impact de la crise avant la crise. Cela peut paraitre à première vue étrange mais la raison pour laquelle je fais cette demande est la suivante: la crise est l'éclatement d'une bulle; pour éclater la bulle a du grossir; les chiffres d'avant la crise reflètent ce grossissement et donc contiennent des profits imaginaires qui ont été perdu pendant la crise. En présentant les chiffres comme le management le fait et comme le rapport dans sa foulée, on a l'impression que les profits sont dûs a un bon management et les pertes à "pas de chance". C'est une image trompeuse de la réalité.

Des problèmes relationnels de Mr Mariani


Le rapport pointe les problèmes relationnel de Mr Mariani tant en interne qu'en externe. Ces problèmes ont culminé avec les démissions de deux membres belge expérimentés du management (Mrs De Walque et Decraene). Son style autoritaire et le recours systématique aux consultants externes Bain (dont coût 80 millions) ont crée des conflits dans le comité de direction, en particulier avec la direction de DBB. Ces conflits évitables ont eu une influence négative sur l'évolution de Dexia. Les erreurs de communication du management étaient en interne mais aussi en externe, en particulier avec Moody's. Le fait que Mr Mariani ait imposé son "protégé", Mr Joly (un ex-inspecteur des finance comme lui), devenu de facto le numéro 2 de Dexia, alors que le numéro 2 officiel était Mr Decraene n'a pas aidé. Mr Mariani c'est fait apparemment beaucoup d'ennemis à l'intérieur comme à l'extérieur de Dexia depuis 2008.

Le salaire de Mr Mariani est assez élevé (environ 1.5 millions par an, supérieur à celui de son prédécesseur) et il faut y ajouter le coût des consultants extérieurs (Bain) de 80 millions. Le rapport qualifie le recourt aux consultants extérieurs de "contre productif". Mr Mariani est également parvenu a faire transformer une partie de son salaire variable de 200,000 euros en un salaire fixe (appelé prime de fonction). Cette prime de fonction lui a été versée même après de démantèlement de 2011, bien que sa fonction ait fondamentalement changée (de CEO d'un grande banque internationale à CEO d'une petite bad bank). Le salaire variable de Mr Mariani et du reste de la direction était lié au respect des engagements envers la commission européenne (CE). D'après le rapport de l'expert indépendant engagé pour analyser ce respect, plusieurs engagements n'ont pas été tenus (sur le RAROC, le financement à court terme, la cession des participations et la diminution du bilan). Dexia a contesté cette analyse par l'expert mais semble avoir payé néanmoins la partie variable non due du salaire de Mr Mariani; mais le rapport n'est pas très clair à ce propos.

Des dividendes et des administrateurs


Dexia a payé un "dividende en action bonus". Ce payement avait été qualifié de monnaie de singe par Mr Thiry dans son audition mais ce terme n'est malheureusement pas repris dans le rapport (il semble que je sois le seul a avoir rapporté ce mot; voir mon blog http://citoyennaif.blogspot.com/2012/01/commission-dexia-audition-de-mr-thiry.html). Ce dividende a été décidé suite à la demande insistante des administrateurs d'Arco et du Holding Communal (HC). Ce payement ne changeait en rien ni la liquidité, ni la valeur de la société Dexia. Le rapport insiste sur le fait que d'après la loi sur les sociétés commerciales les administrateurs d'une société représentent cette même société et non pas les actionnaires qui les ont élus. La demande du payement du dividende en action a eu un coût administratif et a utilisé de l'énergie en interne chez Dexia pour organiser juridiquement ce "payement". Cette demande a donc eu un impact négatif sur Dexia. Les administrateurs n'ont pas rempli le rôle qui est légalement le leur. Le rapport s'arrête juste avant de suggérer une poursuite judiciaire contre ces administrateurs; je ne comprends pas pourquoi cette réticence quand une poursuite judiciaire est demandée pour un acteur extérieur (Moody's) qui n'avait pas d'obligation légale vis-à-vis de Dexia. De même les administrateurs représentants l'état français ont, d'après le rapport, faillit à leurs obligations en imposant de conserver l'importance de DCL au détriment du bien de la société Dexia SA.

A propos des actions bonus reçues par les actionnaires, le rapport indique qu'un avis de la commission des normes comptables (CNC) indique que les actions bonus ne sont pas un revenu. Ces actions ont néanmoins été comptabilisées comme tel par Arco et le HC. Pour ce qui est des prêts de DBB aux mêmes Arco et HC, j'indiquais dans mon premier blog sur le rapport qu'une analyse économique (et non réglementaire) faite par les régulateurs aurait dû exclure le "faux" capital ainsi obtenu des chiffres des régulateurs. Il semble que cette analyse a été faite par les régulateurs (ce qui est bien) mais que la conclusion a été que cela ne serait pris en compte qu'à partie de 2014 avec un étalement progressif de l'impact sur 5 ans! On croit rêver!

D'autres petites choses


Le désastre financier de Dexia n'est pas seulement dû à des risques financiers trop importants pris par le management mais aussi dû à des risques opérationnels et juridiques, en particulier dans les achats aux Pays-Bas (perte de 2.5 milliards). L'expertise juridique supposée de la direction précédente (Mr Miller n'est pas un banquier mais un avocat d'affaire) ne semble pas avoir servit beaucoup.

En parlant de la diminution des liquidités fournies par le marché, il est indiqué dans le rapport que les institutions financières internationales (en particulier la BRI) ont apporté beaucoup moins de fonds avec la crise. J'en parlais déjà dans un blog en avril 2008: http://citoyennaif.blogspot.com/2008/04/crise-de-liquidite-le-double-jeu-des.html

Le rapport mentionne les "stress tests" organisés par l'EBA et qui n'avait un impact que sur le "trading book" (pas le banking book). J'en parlais dans mon blog http://citoyennaif.blogspot.com/2011/04/vos-stress-tests-avec-ou-sans-stress.html. Le rapport indique que "cet exercice était comme une tentative de contribuer à la restauration de la confiance". Autrement dit c'était un mensonge intentionnel et institutionnel par omission de l'EBA.

J'aurais aussi pu aussi parler d'autres points (mais je ne le ferai pas ;-))
- de DCL, de sa gestion défaillante des risques et des protections par les "français" pour éviter la diminution de l'importance du canard boiteux.

- des risques de liquidité et de crédit qui étaient connus par les experts de la banque (j'en parlais dans mon blog http://citoyennaif.blogspot.com/2011/11/commission-dexia-interroger-les-bonnes.html) et communiqués au management.

- des mensonges d'un management rassurant, en interne et en externe, qui déclarait qu'il n'y avait pas de problème, que FSA n'était pas impliqué dans la crise des subprime et que le démantèlement n'était pas envisagé, …

Conclusion


En conclusion, je suis content que ce rapport existe, il officialise ce que beaucoup savaient déjà: les erreurs des comités de direction et des conseils d'administration passés et présents et en particulier l'amateurisme dans la gestion des risques. Le rapport met en évidence des manquements de certains acteurs à leurs obligations légales mais ne les nomme pas explicitement et ne suggère pas de poursuites à leur encontre. Malheureusement il est évident que les auteurs du rapport ne sont pas des experts sur le fonctionnement des banques et des marchés financiers, ils manquent de mettre en évidence des faits importants du dossier; de plus cela nuit à la crédibilité du rapport sur ces aspects.

mercredi 28 mars 2012

Des conseils d'administration et de leur composition

Dans un blog récent je commentais la volonté de certains d'imposer des quotas les conseils d'administration. J'y citais Mme Reding (commissaire européenne à la justice) et Mme Parisot (Présidente du Medef - France). Mme Reding aimant dire que si Lehman Brothers avait été Lehman Sisters, elle n'aurait pas fait faillite. Mme Parisot dernière indiquant que toutes les études montrent qu'une plus grande proportion de femmes dans les conseils d'administration entraine une meilleur gestion. J'indiquais que je ne croyais pas que l'un était la conséquence de l'autre mais simplement que les deux étaient corrélés.

Maintenant une étude publiée par la Deutsche Bundesbank (banque centrale allemande) indique que même la corrélation est incorrecte et que Lehman Sisters a plus de chance de faire faillite que ses frères. L'analyse des auteurs montrent qu'une plus grande proportion de femmes dans les conseils d'administrations mène à de plus grands risques dans la conduite des affaires des banques.

Cette affirmation nécessite quelques explications. L'étude est publiée par la Bundesbank mais celle-ci s'empresse de préciser que les résultats "ne reflètent pas nécessairement les vues de la Deutsche Bundesbank ou de ses employés". L'analyse porte sur des banques allemandes entre 1994 et 2010. L'étude n'affirme pas que la prise de risque supplémentaire est due au fait que certains membres des conseils d'administration sont des femmes. Elle attribue cet accroissement des risques au fait que les femmes dirigeantes ont, je cite, "significativement moins d'expérience" que leurs équivalents hommes et que ce manque d'expérience entraine les risques. Encore une fois il est important de distinguer conséquence et corrélation.

La même étude montre que l'accroissement du nombre de dirigeants avec un doctorat réduit la prise de risque. Elle attribue cela "au fait que des dirigeants mieux formés emploient des techniques de gestion des risques plus sophistiquées et adaptent le modèle des affaires en conséquence".

Les points principaux de cette étude me semblent être que plus d'expérience, plus de formation et des techniques de gestion des risques plus sophistiquées mènent à une gestion moins risquée pour les banques. Toutes ces conclusions vont à l'encontre de quotas si ceux-ci augmentent le nombre de membres sans l'expérience et les qualifications requises.

Dans un passé récent, la Belgique a connu une certaine gestion risquée de ses banques qui a conduit à certains désagréments, pour employer un euphémisme. Peut-on appliquer les conclusions de cette étude à la situation actuelle et voir si des leçons ont été retenues? Il reste une grande banque belge (Dexia Banque Belgique/Belfius) et son conseil d'administration a été renouvellé entièrement récemment. Peut-on noter ce conseil d'administration en terme d'expérience bancaire, de formation et de gestion des risques sophistiquée?

Dans mon blog lors de la nomination de ce conseil d'administration de cette banque, je faisais une brève description du CV de ses membres. Parmi les dix membres du conseil, il y a cinq docteurs (tous en économie). La moitié, c'est plus que dans la population en générale mais pour certaines équipes des banques, ce n'est pas nécessairement énorme. Dans les équipes d'experts des grandes banques, les équipes d'analyse quantitative en particulier, il y a souvent plus de trois quarts de docteurs. En ce qui concerne l'expérience bancaire, il y a quatre membres avec une expérience bancaire. Et pour ce qui est de la gestion des risques des banques, il y a un seul membre (Mr Wibaut, qui a travaillé à l'ALM chez Dexia) qui semble remplir ce critère.

[Ajouté le 6 avril 2012] Dans le journal Financial News du 2 avril, j'ai trouvé une statistique intéressante pour les comités de direction des grandes banques. D'après le journal, dans les dix plus grandes banques du monde, il y a en moyenne 35% de banquiers d'investissement (qui ont passé une grande partie de leur carrière de ce département ou qui y ont eu un poste a responsabilité) dans les "management board" et ce chiffre est en augmentation. Chez Dexia/Belfius cette proportion est de 0; mais elle ne fait pas partie des 10 plus grandes banques du monde!

Le bulletin est donc: Formation - 5/10; Expérience - 4/10; Gestion des risques - 1/10; Banquiers d'investissement - 0. Et ce bulletin est en gros progrès par rapport au précédent! Elève Belgique, c'est mieux, mais il y encore des progrès à faire pour arriver à la moitié.

J'ai vu un troupeau terriblement dangereux de moutons dociles.
Paul Krugman - économiste - 1997.

samedi 24 mars 2012

Commission Dexia: le rapport - 1

Le rapport de la commission Dexia a été écrit et devrait être voté en séance dans la semaine. Au moment d'écrire ce blog, je n'ai pas trouvé le rapport lui-même sur le site de la chambre. Les commentaires ci-dessous sont basés sur des articles de presse. Je ferai d'autres commentaires quand le rapport sera diffusé au public (j'espère qu'il sera librement accessible, et non caché comme les rapports annuels du Holding Communal qui ont disparus de leur site).

Les premiers commentaires concernent la forme du rapport. C'est un rapport écrit par des hommes politiques sur des faits où des hommes politiques sont impliqués. Il ne peut donc en aucun cas être vu comme impartial. Je ne mets pas en cause l'honnêteté individuelle des membres de la commission mais chacun d'eux est à la fois juge et partie dans l'affaire. Cette partialité est claire dans le vote des conclusions par la commission: 8 voix pour,  5 voix contre, majorité contre opposition. Cette implication de la majorité dans les faits débattus est claire quand on regarde la liste des (anciens) membres du conseil d'administration de Dexia SA: E. Ri Rupo (PS), S. Kubla (MR), F. Vermeiren (VLD), D. Donfut (PS), K. De Gucht (VLD), E. Andre (MR), J.L. Dehaene(CVP), and P. Mariani (ex-cabinet de N. Sarkozy). J'ai indiqué Mr Mariani, bien qu'il ne soit pas un pure politique (il n'a jamais été élu si mes informations sont correctes), uniquement pour insister qu'il était là pour des raisons politiques. Il n'a pas d'expérience réelle de banquier, pas plus que ses prédécesseurs P. Richard (haut fonctionnaire français) et A. Miller (avocat d'affaire). Ce vote majorité contre opposition, en plus l'exclusion du seul membre de l'opposition (le député Gilkinet) de son rôle de rapporteur, renforce le caractère politique du rapport. A ma connaissance l'exclusion a été faite à huis-clos (sans transparence), majorité contre opposition. D'après les termes mêmes de la présidente de la commission, le député Gilkinet était un des plus assidus et faisait très bien son travail, pourquoi se priver de ce travail lors de l'écriture du rapport?

Un second point sur la forme, et je m'étonne qu'il n'en soit pas plus question dans la presse, est l'absence de Mr Leterme aux auditions de la commission. Il a été convoqué trois fois par la commission, n'a jamais répondu et n'est jamais venu. Malheureusement il ne s'agissait pas d'une commission d'enquête et la commission ne pouvait pas le forcer à venir. On ne peut donc le condamner légalement, mais on pourrait au minimum le condamner moralement (rappeler son absence de manière régulière) et ajouter un article dans les règles des commissions de la chambre interdisant aux personnes ne se présentant pas aux commissions d'être membre d'une de ces commissions, sauf à être entendu par une commission d'enquête sur cette absence. Comme je n'attends pas qu'une telle règle soit votée, il ne reste que la condamnation morale et donc je répète: Mr Leterme, ancien premier ministre belge, n'a pas répondu à trois invitations d'une commission de la chambre des représentants, sur une période de six mois et de ce fait a perdu tout crédit dans le domaine de la vie publique belge. En parlant d'un participant de la saga Dexia, ancien premier ministre, qui a perdu tout crédit dans le domaine de la vie publique, je voudrais rajouter Mr Dehaene, pour son refus d'organiser des élections démocratiques en sa qualité de bourgmestre. Au moins pour lui on peut encore espérer une condamnation pas la justice.

Pour le fond, avant de passer à ce qui se trouve dans le rapport, parlons de ce qui ne se trouve pas dans le rapport. En lisant la liste de membres du conseil d'administration donnée plus haut et en se rappelant de l'absence de compétence bancaire de chacun d'entre eux, on pourrait espérer une petite recommandation comme: nommer des membres de conseil d'administration compétents. J'avais fait un blog sur notre premier ministre actuel et sa participation au conseil d'administration de Dexia pendant la période incriminée dans le rapport (2002-2007). Mais j'aurais pu remplacer ce nom par n'importe lequel dans la liste. Je voudrais faire une toute petite exception partielle pour Mr Kubla. Non pas qu'il ait été plus compétent que les autres mais c'est le seul qui après les faits a dit "j'estimes qu'on nous a menti". C'est le seul apparemment qui a eu assez de jugement et de courage pour accepter ce fait. Cela ne pardonne pas son absence de compétence en tant qu'administrateur mais au moins lui rend un peu de crédibilité comme personne publique.

J'en viens aux recommandations. Le système bancaire actuel c'est développé sur plusieurs centaines d'années et implique des millions de personnes. Le comprendre (et l'améliorer) nécessite une expérience et des connaissances qui ne peuvent s'acquérir que sur de nombreuses années. En lisant certaines recommandations j'ai l'impression qu'elles ont été écrites pas des amateurs peu éclairés qui découvrent cette matière. Je ne sais pas si les experts de la commission ont participé à l'écriture de ces recommandations, mais si c'est le cas, cela ne parle pas en faveur de leur "expertise".

Contrôle renforcé

Je suis certainement en faveur de contrôles renforcés si contrôles renforcés ne veux pas dire plus de règles mais de meilleures règles. Interdire des produits ne me semble pas une bonne règle mais imposer plus d'information sur les produits et pouvoir dire qu'une banque a manqué à son devoir de conseil dans certains cas me semble important. Que les régulateurs puissent assister aux conseils d'administration comme observateurs est une bonne idée, mais en quoi les régulateurs de demain seront-ils plus capable que les administrateurs d'hier s'ils sont nommés de la même façon?

Dépôts mieux rémunérés

C'est en lisant cette recommandation en particulier que je pensais "amateurs" en parlant des rédacteurs. La recommandation est de modifier la tarification en instaurant un système où les dépôts à échéances plus longues reçoivent des taux plus hauts. Les taux des dépôts dans le marché varient en fonction de leur maturité et de l'entité à qui on dépose les sommes. Souvent la courbe des taux est croissante (les taux pour une plus longue maturité sont plus hauts) et on parle de courbe "normale"; mais ce n'est pas toujours le cas parfois la courbe est décroissante et on parle de courbe inversée. Imposer une courbe croissante dans la tarification des banques revient à imposer une crise en cas de courbe inversée. Si la courbe réelle est inversée et la courbe forcée des banques est normale, soit leurs taux courts seront trop bas, soit leurs taux longs seront trop hauts. Dans le premier cas elles manqueront de dépôts (crise de liquidité), dans le second cas elles feront de pertes systématiques sur les dépôts long terme (crise de solvabilité). Cette croyance de courbe croissante en permanence a été à la base de la crise des "saving and loans" américains dans les années 80 et 90 et de très nombreuses faillites. Essayons de ne pas créer les germes de la prochaine crise en laissant des amateurs analyser la précédente. Une des raisons pour laquelle les banques belges ont beaucoup de dépôts à court terme (compte d'épargne) est la conséquence d'un choix de nos élus. Il y a une tranche non imposée d'intérêts sur les comptes d'épargnes et pas sur les comptes à terme et bons de caisse. Donc pour offrir un même taux net sur un dépôt à terme que sur un compte d'épargne les banque doivent payer 26.5% de plus en brut à cause de l'impôt de 21% (21/79=26.5%). Pourquoi essayer d'éliminer un symptôme (manque de dépôts à moyen/long terme) quand les recommandations devraient s'attaquer à la maladie (une fiscalité incohérente)?

Administrateurs

Une des recommandations concerne les administrateurs et indique que les députés (et d'autres fonctions publiques) ne pourront plus être administrateurs de banques systémiques. C'est très bien mais peut-être pourrait-on aller une étape plus loin. Certaines fonctions publiques sont des fonctions à temps plein (députés, membres de cabinet, fonctionnaires, etc.), il devrait leur être interdit d'avoir une autre fonction et en particulier un mandat d'administrateur dans une société importante quelconque. De même après leur mandat, les élus qui reçoivent une indemnité de sortie devraient être interdit de ces fonctions d'administrateur durant toute la période de cet indemnité. Cela nous éviterais à l'avenir d'avoir quelqu'un comme Mr Dehaene qui, tout en étant député Européen à temps plein, bourgmestre combattant la démocratie à temps plein, reçoit quelque millions de Inbev par an pour son carnet d'adresse d'ancien premier ministre après avoir été administrateur de la défunte SABENA, de la défunte et frauduleuse Lernout-Hauspie et de la presque défunte Dexia.

Experts permanents

La commission recommande de créer un comité d'experts permanents. C'est une très bonne idée. Encore faut-il trouver des experts. Je ne doute pas qu'ils existent en Belgique mais je ne suis pas sur qu'on les cherche là où ils sont. Pour la commission Dexia, le parlement a du faire appel à des experts extérieurs, est-ce avouer qu'il n'y a pas d'experts "intérieurs", qu'il n'y a pas l'expertise pour aider la commission dans les comités existants? Quels sont les experts qui ont aidé la commission? Un académique avec certaines connaissance certes, mais qui n'a jamais travaillé dans une banque et dont l'expertise du milieu bancaire n'est pas évidente. Le deuxième était un réviseur d'entreprise. Un réviseur pour aider à comprendre une entreprise qui a été révisée à de nombreuse reprises mais qui a complètement faillit. Je voudrais un peu plus de ce comité: de vrais experts (par exemple ceux qui sont invités comme conférenciers dans les séminaires internationaux de finance) avec une vraie expérience bancaire (par exemple dix années d'expérience dans la gestion des risques ou dans une salle de marché).

Prêts incestueux

La commission propose de revoir un article du code des sociétés pour empêcher des prêts "incestueux" (prêts d'une société d'un groupe aux actionnaires du même groupe pour une augmentation de capital). Cette manière d'éviter un problème particulier avec une règle particulière est pour moi une mauvaise manière d'approcher la régulation. Il "suffirait" d'avoir une régulation basée sur des principes et des régulateurs qui analysent la situation (par opposition à des régulateurs qui remplissent des formulaires). Le but du capital d'une banque est (de manière simplifiée) une protection contre les pertes potentielles. Si une banque prête à un de ses actionnaires pour acheter ses actions, quelle est la situation? En cas de difficultés de la banque (difficultés extérieure à ce prêt), la valeur des actions diminue, les actionnaires font des pertes et ne peuvent plus rembourser le prêt et il y a une perte pour la banque; le montant obtenu par la vente d'action disparait dans la perte et le rôle du capital (protection) n'est plus rempli. On peut dire que le capital n'existe pas ou dire qu'une réserve pour risques particuliers doit être enlevée du capital, quel que soit le choix des mots, pour l'analyse du bilan par les régulateurs, ce montant ne devrait pas être pris en compte. Pourquoi essayer d'éliminer un symptôme (des articles du code des sociétés) quand les recommandations devraient s'attaquer à la maladie (une régulation irréaliste)?

Cela me mène une fois de plus à mon slogan à propos des régulateurs depuis le début de la crise (voir mes blog Bannissement et régulateurs / Régulateurs et évolution):

Moins de régulation et des régulateurs (et dans ce cas-ci, des experts) plus compétents!

jeudi 2 février 2012

Conseil d'administration de Dexia Banque Belgique: les choix.

Le gouvernement a approuvé la composition du conseil d'administration de Dexia Banque Belgique. Les membres du conseil sont: Alfred Bouckaert, Guy Quaden, Martine Durez, Serge Wibaut, Pierre Francotte, Mieke Dequae, Chris Sunt, Lutgart Van den Berghe, Rudi Vander Vennet et Wouter Devriendt.

Dans un blog fin décembre je faisais des voeux pour un conseil d'administration avec des compétences plutôt que des noms. Je prédisais aussi que mes voeux ne se réaliseraient pas. Je suis assez heureux de constater que mes prédictions se sont avérées en grande parties incorrectes. Le conseil d'administration semble comporter bien plus de compétences que ce a quoi je m'attendais et bien plus que le conseil d'administration de Dexia SA.

Pour chacun des administrateurs, je donne quelques éléments de leur CV que j'ai pu collecter:

Alfred Bouckaert: Licence en économie. Consultant chez Arthur Andersen. Directeur commercial de Chase Manhattan Bank en Belgique; fusion avec Crédit Lyonnais Belgique. Responsable des activité européennes du Crédit Lyonnais. Direction d'AXA Belgique et puis de AXA Europe du Nord.

Guy Quaden: Doctorat en économie. Professeur a l'université de Liege. Gouverneur de la Banque Nationale de Belgique (BNB) (1999-2011). Representant de la BNB dans differentes institutions internationales.

Martine Durez: Doctorat en économie. Professeur ordinaire à l'université de Mons-Hainaut (jusqu'en 1997). Présidente de bpost. Membre d'autres conseils d'administration.

Serge Wibaut: Doctorat en économie. A travaillé à la Chase Manhattan Bank et à l'ALM chez Dexia. Ancien CEO de Axa Banque Belgique. Membre du conseil d'administration de Fortis Banque. Chargé de cours invité aux Facultés Universitaires Saint-Louis et à Université Catholique de Louvain.

Pierre Francotte: Mastère en droit. Carrière dans les départements juridiques d'institutions financières (FMI, Euroclear) avant de devenir CEO de Euroclear Bank.

Marie-Gemma (Mieke) Dequae: Licence en droit et économie. Gestionnaire des risques de l'entreprise Bekaert. Présidente de FERMA (association européenne de gestionnaires des risques dans des organisations publiques et privées) de 2005-2009.

Chris Sunt: Licence en droit. Avocat spécialisé en droit des entreprises, de la finance et des fusions et acquisitions.

Lutgart Van den Berghe: Doctorat en économie. Professeur a temps partiel a l'université de Gand, membre de conseil d'administration de plusieurs entreprises. Recherches dans le domaine de la corporate gouvernance.  Publications dans des revues internationales.

Rudi Vander Vennet: Doctorat en économie. Chercheur NFSR, cabinet de ministres de l'économie, ministres du budget. Professeur ordinaire a l'université de Gand. Conseil d'administration de plusieurs entreprises. Publications dans des revues internationales.

Wouter Devriendt: Licence en économie et MBA. Responsable des ventes aux institutions financières et au secteur public pour ABN à Londres. Responsable de l'intégration Fortis/ABN Amro. Cabinet du ministre des finance.



En plus d'avoir des individualisé, le comité doit aussi faire un tout avec une diversité. Qu'en est-il dans ce cas ci? Là mon enthousiasme est moindre. Les profiles de tous les membres du comité apparaissent assez similaires. Sur les dix membres, il y a sept économistes (dont cinq docteurs) et trois juristes. Seul quatre ont travaillé dans des banques, principalement dans les département commerciaux et juridique. La seule exception est peut-être Mr Wibaut qui a travaillé à l'ALM.

En comparant avec les formations recherchées par les banques, les scientifiques manquent dans le comité. La grande majorité des employés dans les salles de marché, la gestion des risques et les départements informatiques sont des scientifiques (mathématiques financières, ingénieurs, physiciens, informaticiens). Mais ces experts techniques ne semblent pas être nombreux parmi les directeurs et complètement absents du conseil d'administration. Si je reprends la liste des compétences que je décrivais dans mes voeux, celles que je mentionnais comme manquant souvent semblent manquer à nouveau et sont en ligne avec les formations manquantes: salle des marchés (trading et analyse quantitative), informatique et connaissance des modèles de gestion des risques (marché, crédit, Bâle III) et de valorisation des produits dérivés.


Si c'était le bulletin d'un élève, je dirais: "De gros efforts depuis la dernière fois, continuer dans cette direction". La majorité de politiciens avec très peu de connaissances bancaires a été remplacée par des économistes et des juristes avec des connaissances bancaires. Le comité manque néanmoins de diversité dans les expériences de ses membres et quelques membres avec une connaissance profonde de certains aspects des banques.

samedi 21 janvier 2012

Commission Dexia: audition de Mr Mariani.

Ce vendredi je n'étais pas au parlement pour l'audition de Mr Mariani, mais j'ai découvert que la RTBF retransmettait l'"évènement" en direct sur son site web. Merci a la technologie (et au service public).

Comme pour l'audition de Mr Thiry lundi, je ne prétends en rien faire un résumé de l'audition, simplement je mentionne quelques points qui ont retenus mon attention.

Mr Mariani est meilleur orateur et beaucoup plus fin "politicien" que Mr Thiry. A mes yeux cette dernière caractéristique n'est pas un compliment; cela veut dire qu'il est plus difficile d'obtenir une réponse claire à certaines questions. On sent que l'expérience première de Mr Mariani est une expérience politique (il était chef de cabinet de N. Sarkozy) avant d'être une expérience de banquier. C'est triste, on a pas eu droit aux jolies expressions de "monnaie de singe" et de "doux dingue" utilisées par Mr Thiry.

La premier point qui a retenu mon attention est la rengaine habituelle de dire que si on avait crée une "bad bank" cela aurait nécessité 20 milliards en augmentation de capital. Il est vrai que les différentes structures composant Dexia auraient été obligées de déclarer leurs pertes plutôt que de les cacher derrière des artifices comptables, mais cela n'aurait en rien changé la valeur économique du tout. La présidente le lui a fait remarqué en déclarant: "Vous ne vouliez simplement pas acter des pertes". C'était un des principes de la "gestion des risques" chez Enron que cette gestion devait se baser sur les chiffres comptables plutôt que la réalité économique et avait pour finalité d'améliorer ces chiffres. Peut-être y a-t-il un lien caché entre la défunte Enron et la presque défunte Dexia SA.

Mais certainement ce petit jeu devient lassant; si chaque auditionné joue avec les mots on n'est pas sur d'obtenir un jour "toute la vérité". Et il semble que Mr Mariani soit très fort au petit jeu de "jouer avec les mots" (voir ci-dessous).

Le deuxième point est le rapport entre les prêts de Dexia Bank Belgium (DBB) à Dexia SA et DCL et la garantie des états. Cette intervention a été rapportée de manière un peu confuse dans la presse; probablement parce que l'explication de Mr Mariani était confuse. Il n'est pas clair pour moi si cette confusion est intentionnelle ou si elle est le reflet de la compréhension personnelle de l'orateur. La structure "Dexia résiduelle" a actuellement besoin de la garantie et de DBB pour son financement. Si elle utilise la garantie elle doit en premier lieu rembourser DBB (c'est une des conditions de la garantie, si j'ai bien compris). Il n'a pas indiqué à quelles conditions (quels taux) étaient faits les prêts de DBB à Dexia SA (et personne le l'a demandé) mais on peut supposer que c'est aux conditions d'"amis" du temps de la solidarité d'un groupe unique. Par contre les emprunts avec garantie des états requièrent le payement d'une prime. Il n'y a donc pas d'urgence pour Dexia SA à rembourser DBB. La garantie provisoire et partielle est de 45 mlds maximum; si elle était utilisée dans son entièreté elle servirait pour moitié à rembourser DBB. Il vaut mieux attendre la garantie totale de 90 milliards avant de s'en servir. Mr Mariani a obscurci cela en parlant de "collatéral" bien qu'il y n'y ait de collatéral ni dans les prêts de DBB (c'est pour cela qu'ils sont dangereux pour DBB) ni dans la garantie des états. Il se justifie en disant que s'il y avait assez de collatéral de qualité dans les portefeuilles de Dexia, elle pourrait emprunter avec collatéral (à la BCE ou dans le marché "repo") et n'aurait pas besoin de la garantie. Mais cela je crois que tout le monde en est conscient: si Dexia SA était un holding sain avec des portefeuilles sains, il n'y aurait pas besoin de garantie des états (et il n'y aurait pas de "Commission Dexia")

Il semble que Dexia a emprunté en décembre à travers le mécanisme d'emprunts d'urgence dans le système de la BCE. Quand le député Gilkinet lui a demandé plus de détails, Mr Mariani a indiqué poliment mais fermement que ce n'était "pas une information publique".  Cela rappelle la demande de Mr Piret (CRO de Dexia) d'être entendu à huis-clos. Voilà un CEO d'une institution en partie propriété de l'état (Dexia SA) qui parle d'emprunts faits à un institution publique, en partie propriété de l'état (la BNB) avec des représentants de l'états (les députés) et qui se cache derrières un "secret". Encore une fois, c'est comme si mon oreille droite ne pouvait pas écouter quand ma bouche parle à mon oreille gauche! Une autre question intéressante serait de savoir qui exactement a emprunté en utilisant le mécanisme d'urgence; Dexia SA n'étant pas une banque, elle n'a normalement pas accès à ce mécanisme. Les emprunts ayant été faits par une banque belge, il ne reste que DBB. Mais DBB ne fait plus partie du groupe Dexia. Pour moi les détails exacts de ces emprunts d'urgence restent un mystère.

Plusieurs questions ont été posées pour savoir quand exactement le "démantèlement" avait été discuté pour la première fois au conseil d'administration. Mr Mariani a été très attentif (et très long) pour dire que cela n'avait jamais été discuté avant octobre 2011. A un moment il a fait la déclaration suivante: "Quand Mr Dehaene et moi avons déclaré que la scission de Dexia n'était pas envisagée, nous voulions dire qu'aucune scission de l'actionnariat n'était envisagée." Je ne sais pas exactement ce que "scission de l'actionnariat" veut dire, mais pour moi cela ressemble fort à la répétition d'une défense prévue pour l'enquête ouverte par le parquet à propos des communications faites par Dexia aux actionnaires avant le démantèlement.

"Un astrologue ne saurait avoir le privilège de se tromper toujours ». 
Voltaire

Et donc il faut bien que je sois d'accord avec Mr Mariani sur au moins un point. Là où je suis (en partie d'accord) avec Mr Mariani, c'est sur les salaires. Les salaires dans la finance sont élevés; si Dexia (SA et DBB) veux garder de bons éléments elle doit payer des salaires compétitifs. Et Dexia aura besoin de bons employés dans les années à venir. Je parle seulement des "bons" et pas des "meilleurs", car il est probable que ces derniers sont déjà en grande partie partis. Je suis seulement en partie d'accord car son explication de cette "nécessité" est assez embrouillée et joue avec les mots (encore une fois). Les employés de Dexia ont un salaire de base et une "prime de fonction". Cette prime est une partie de la rémunération mais porte un autre nom pour des raison "historiques" (et un peu pour des raisons légales). Les salaires dans la finance sont élevés mais les "grilles" Dexia ne reflètent pas ce fait et donc il faut donner un autre nom à une partie de la rémunération pour résoudre le problème. Problème qui est seulement un problème interne d'apparence et pas un problème de fond. Utiliser le nom existant de "prime de fonction" pour payer un "bonus" est une autre technique pour ne pas appeler un chat un chat. La "prime" est non-récurrente et récompense (d'après Mr Mariani) le bon travail des équipes. En langage commun cela s'appelle un bonus; pas dans le langage actuel de Dexia. Très bien, nous en prenons note, mais cela ne change en rien le fond des choses. Mr Mariani a aussi déclaré que pour 2008 aucun "bonus" n'avait été payé; encore une fois c'est faire preuve de mauvaise foi et jouer avec les mots. Pour 2008, Dexia a payé des "primes de rétention". Bien que appelées "de rétention" ces primes n'étaient liées à aucune obligation de la part de ceux qui les ont reçues; c'était un bonus qui ne disait pas son nom. Mr Mariani aime aussi dire du mal de la direction précédente. Et il ne s'en est pas privé quand il a parlé des salaires et de celui de son prédécesseur en particulier. Il semble que Mr Mariani a une rancune personnelle contre son prédécesseur, Axel Miller; peut-être parce que celui-ci était apprécié des employés.

Depuis le début de la commission, on a l'impression d'entendre toujours un peu la même chose mais de ne pas avoir toute la clarté voulue. J'espère que les députés on une vue plus claire que la mienne et que cela leur permettra de proposer des conclusions claires pour améliorer les choses. Ayons confiance!

Risk management strategies are directed at accounting, rather than economic, performance. 
Enron in-house risk-management manual.

Got for a business than any idiot can run, because sooner or later any idiot is going to run it.  
Peter Lynch - grand investisseur - 1944 
 

lundi 16 janvier 2012

Commission Dexia: audition de Mr Thiry

Ce lundi après-midi, la commission Dexia auditionnait Mr B. Thiry (administrateur de Dexia et administrateur délégué d'Ethias). Je n'étais pas loin du parlement au moment de l'audition et j'ai décidé d'aller voir comment cela ce passait.

Au total j'ai trouvé cette audition assez "soft"; pas de question agressive et pas d'obligation de donner de vraies réponses (j'y reviens plus tard). Mr Thiry a expliqué son implication dans la structure Dexia et a résumé sa vision de la débâcle. Son audition était sans grande profondeur mais sans trop de langue de bois (ce n'est pas souvent qu'un administrateur qualifie la conséquence d'une décision du conseil d'administration de "monnaie de singe") et parfois avec des absences de réponse. Pour les questions des députés (il y a eu des question de cinq d'entres eux), j'ai cette même impression mitigée: ceux qui ont posé des questions avaient bien écouté l'auditionné et ont posé des questions pertinentes, mais je n'ai pas eu l'impression de beaucoup de profondeur. Les députés qui ont posé des questions sont: Joseph George, Meyrem Almaci, Georges Gilkinet, Christiane Vienne et Marie-Christine Marghem.

Les paragraphes suivant ne représentent pas un résumé de l'audition mais simplement quelques points qui ont attirés mon attention.

Mr Thiry a rappelé qu'Ethias avait opéré des réductions de valeurs sur ses actions Dexia en 2008, 2010, 2011, contrairement au Holding Communal et qu'Ethias SA n'avait plus aujourd'hui de risque Dexia dans ses portefeuilles. C'est la vérité mais pas toute la vérité (la même expression que j'utilisais à la suite d'un interview de Mr Mariani). Il est vrai qu'Ethias a enregistré des "réductions de valeur" sur ses actions Dexia, mais tard et pas en totalité. Les réviseurs n'étaient pas d'accord avec les comptes 2009 de Ethias (Dexia valorisé à 9,90 EUR). Les actions Dexia sont maintenant valorisées à 2,81 EUR dans les comptes de Ethias bien que le cours de bourse soit environ 0,30 EUR. Il est vrai que les actions Dexia ne sont plus dans le bilan de la compagnie d'assurance Ethias (Ethias SA) mais elle sont encore dans le groupe Ethias (Ethias Finance SA). C'est plus un artifice comptable qu'une vraie vente (ce n'est pas totalement économiquement identique car cela protège un peu les assurés d'Ethias SA des pertes, mais cela reste principalement un artifice car la participation est dans la structure qui est à 100% propriétaire de Ethias SA). Ce transfère comptable n'a été possible que grâce à un emprunt de EUR 280m par Ethias Finance SA; un emprunt qualifié de "succès" pas Mr Thiry. Il déclare aussi que l'emprunt a été fait "aux conditions de marché" et souscrit "en grande partie par le privé". Je n'ai pas les chiffres exacts mais le ministre des Finances, Steven Vanackere, a déclaré récemment: "Nous voulons souscrire pour la même somme que les deux Régions ensemble, et pour un maximum de 100 millions d'euros, aux obligations émises par Ethias". En chiffres, 280 moins 200 cela fait 80 et 80 est-il une "grande partie" de 280? Question suivante! Question: "En quoi l'emprunt est-il aux "conditions de marché" si presque personne n'en achète"? Réponse: "Une banque d'affaire nous a indiqué que c'était les conditions du marché." Question: "Cela ne ressemble-t-il pas à une aide d'état si l'état a souscrit à la majorité du montant?" Réponse: "La souscription c'est faite aux conditions du marché." Les questions sont posées plusieurs fois de différentes manières mais les réponses sont les mêmes et les députés n'insistent plus.

La question de la réduction plus rapide des portefeuilles Dexia (le portefeuille Financial Products provenant de FSA et le portefeuille résiduel de Dexia elle-même) a été posée à plusieurs reprises. La réponse est que la vente créait une perte supplémentaire (la perte passait de 15% à 25% du nominal du portefeuille). Encore une fois cette réponse est la vérité mais pas toute la vérité. Cela créait peut-être une perte comptable supplémentaire mais pas une perte économique supplémentaire. La valeur de ces obligations dans le bilan de Dexia n'était pas leur valeur de marché, c'est pourquoi une vente créait une perte; mais en terme de réalité économique cela ne changeait rien. L'argument est que cela mettait en cause la solvabilité de l'entreprise et ne lui permettait plus de résister à un choc économique supplémentaire. Cet argument est fallacieux; cela mettait en cause la solvabilité telle que décrite par les chiffres de solvabilité réglementaires mais diminuait le risque de l'entreprise et donc améliorait sa résistance véritable aux chocs économiques. Les chiffres réglementaires de solvabilité et les stress tests européens (voir mon court blog sur les stress tests) ne sont pas nécessairement en ligne avec la réalité économique.

Un autre moment intéressant est quand Mr Thiry évoque le payement d'un dividende "par action bonus" fait par Dexia. Sa description est que c'est "de la monnaie de singe pour des raisons comptables". Cela me semble assez clair comme description, l'information qui manque est de savoir combien cela a couté de créer cette "monnaie de singe". Cette monnaie de singe a permis au Holding Communal de créer un bénéfice comptable et de payer un dividende (voir mon analyse [1] du dernier rapport annuel du Holding Communal). Ce cash qui est sortit du Holding Communal est du cash qui n'est plus disponible pour rembourser les débiteurs du Holding en liquidation (donc les prêts consentis par Dexia au Holding). Cette monnaie de singe a donc couté à Dexia en travail légal et administratif et en non-remboursement d'une partie des prêts. Peut-être pas vraiment de la "monnaie de singe" en regardant cette décision de plus près, peut-être une "perte par des singes" (cette fois le terme est de moi!).

On a demandé à Mr Thiry son point de vue sur le modèle Dexia. Après une réponse générale il a indiqué que si quelqu'un avait évoqué avant 2008 la possibilité d'une crise de la dette souveraine en Europe au conseil d'administration de Dexia "on" l'aurait considéré comme un "doux dingue" (le terme est de lui). Et là il met le doigt sur le problème dans le conseil d'administration (et comité de direction) de Dexia: "on" n'avait pas les compétences et l'expérience pour évoquer et analyser des scénarios possibles. J'en parlais dans mon blog Econome avec la vérité!. D'après ce que j'entends, l'analyse de scénarios possibles n'a jamais été faite, le conseil d'administration et le comité de direction ont simplement pris un scénario rose et rêvé d'un future qui n'existera jamais. "Gouverner, c'est prévoir" disait Emile de Girardin au XIXème siècle. Il semble que les "gouvernants" du XXIeme siècle soient arrivés dans ce XXIème siècle sans passer pas la case XIX. Dans le même genre d'idée, Mr Thiry a indiqué que le rôle du conseil d'administration était en général passif et il demandait rarement une analyse en profondeur des dossiers qui leur étaient présentés. En cohérence avec mes voeux, je ne voterai pas pour la présence de Mr Thiry au conseil d'administration d'une banque (je sais je n'ai pas de droit de vote direct sur ce point mais indirectement oui, certaines personnes pour qui je peux voter choisirons ceux qui choisirons ces membres). C'est le rôle du conseil d'administration d'analyser en profondeur les propositions et c'est pour leur compétence à faire l'analyse eux-mêmes que ses membres sont désignés.

En résumé, une expérience intéressante. J'y retournerai si je ne me trouve pas trop loin du parlement lors d'une prochaine séance. Mais néanmoins un petit goût de trop peu!

[1] A noter que depuis quelque temps les informations sur le Holding Communal ne sont plus disponibles. Si vous allez sur le site du Holding, il y a juste une page avec "Holding Communal SA - en liquidation" mais les informations, en particulier les rapports annuels, ne sont plus disponibles. Non, vous n'êtes plus autorisés à savoir comment votre argent a été perdu.

Le badge d'entrée aux débats de la commission pour le public.

mardi 27 décembre 2011

Voeux et conseils d'administration.

En cette périodes de voeux je voudrais à mon tour émettre des voeux … pour les conseils d'administration des banques propriété (en tout ou en partie) de l'état (Dexia, Fortis). Ce sont des voeux mais j'ai comme l'impression qu'ils ne se réaliseront pas...

Un nouveau conseil d'administration de Dexia Bank Belgium (le nom doit changer bientôt…) est en gestation et chacun y va de sa suggestion et de son pronostique sur le nom des administrateurs (par exemple [1] et [2]). Contrairement aux autres je ne ferai pas de suggestion de noms mais des suggestions de compétences.

Le rôle d'un conseil d'administration est de décidé d'un stratégie globale pour une institution et de contrôler le comité de direction dans son exécution. Les compétences requises pour comprendre une banque en profondeur sont nombreuses et chaque membre du conseil d'administration ne peut les avoir toutes. Au minimum on peut espérer que dans son ensemble le conseil couvre la plupart de ces aspects.

Certaines des compétences requises couvrent (sans ordre particulier):
  1. Banque de détail
  2. Banque d'entreprise et des autorités locales
  3. Gestion des risques (marché, crédit)
  4. Modèles de prédictions économiques.
  5. Droit
  6. Comptabilité
  7. Informatique
  8. Gestion des avoirs et passifs: Asset management et ALM.
  9. Salle des marchés: trading et analyse quantitative
  10. Modèles utilisés pour la gestion des risques et la valorisation des produits dérivés
  11. Publication d'articles dans des revues de recherche internationales (Journal of Finance, Econometrica, Journal of Fixed Income, …)
Ces compétences ne doivent pas simplement venir d'un titre ou d'un cours suivit mais d'un réel travail en profondeur. Certains auteurs affirment que pour être un expert dans une branche (sport, musique, science, ou … business), il faut 10 ans et 10.000 heures de travail assidu [3] dans le domaine particulier.

Ces compétences se recouvrent. Comprendre la banque de détail veut aussi dire comprendre l'informatique à mettre en oeuvre pour un accès aisé des clients aux services de la banque et veut dire comprendre les modèles de produits dérivés suffisamment pour comprendre les produits structurés.

Les produits structurés ont été décriés ces dernières année et un mouvement de "back-to-basic" est suggéré pour les clients individuels. Cela ne veut pas dire que les compétences de modélisation des produits dérivés et de gestion des risques disparaissent. Il existe énormément d'options incorporée dans les produits courants. Par exemple les crédits hypothécaires ont des options de remboursement anticipés. En terme technique c'est une option hybride Bermuda (l'option peut être exercée une fois mais à une date au choix) qui mêle un risque de marché (taux d'intérêt) et risque de crédit (non remboursement par l'emprunteur). Les crédits hypothécaires sont techniquement bien plus compliqués que la plupart des produits structurés. Les fonds avec garantie de capital ou cliquet sont aussi des produits optionnels. Pour comprendre ce qui peut être proposé aux clients individuels et aux collectivités, il faut comprendre ces aspects et leur impact sur l'informatique, la gestion ALM et la gestion des risques.

J'ai regardé les listes des noms proposés ci et là. J'y vois beaucoup de profils similaires (économie, MBA ou droit, certain avec un doctorat, ayant travaillé dans des domaines ou des institutions proches de la banque) mais il me semble que beaucoup des domaines mentionnés ci-dessus n'apparaissent  dans aucun CV (je ne suis pas le chasseur de tête en charge du recrutement et je n'ai donc pas reçu leur CV détaillé). Les compétences qui n'apparaissent jamais sont: 3, 7, 9 et 10.

C'est bien dommage, car il semble qu'un partie de la raison de la débâcle de Dexia, du Holding Communal et de Fortis est que personne dans les conseils d'administration n'a questionné la gestion des risques, personne n'a demandé comment les produits complexes étaient valorisés (MBS de Fortis, portefeuilles de Dexia et du Holding), personne n'a demandé si les produits étaient adaptés aux clients (procès en France contre Dexia) et personne n'a demandé si la mise en place informatique des valorisations et risques était suffisante (voir rapport des régulateurs français pour Dexia).

Les noms qui ont été cités sont des "noms connus" (c'est pourquoi on les cite). Peut-être faudrait-il inclure des "personnes compétentes" même si elles sont moins connues. Il y a certainement en Belgique de ces personnes compétentes, des académiques qui ont travaillé dans des institutions financières ou des consultants qui font de la recherche, comme je le mentionnais dans mon blog sur les régulateurs, et je pense toujours que c'est le cas. Je ne propose pas un conseil d'administration de technocrates, mais un conseil d'administrations comprenant quelques experts.

J'espère que la responsabilité de membre d'un conseil d'administration sera prise sérieusement. Si la prédiction de Stéphane Wuille dans son blog [2]: "Il faut dire que le job ne devrait pas être particulièrement éreintant." devait s'avérée exacte, l'état risque de se retrouver à la case départ avec une autre débâcle.

Après le compétences que je voudrais voir, il y a les phrases que je ne voudrais plus voir (ou entendre) (je laisse le lecteur relier chaque phrase à une personne ou un évènement récent):
- "Il y avait des bénéfices plantureux mais jamais on ne nous a expliqué les risques."
- "Je considère qu’on nous a menti."
- "Le CA estime que le holding disposera des liquidités nécessaires" et ce quelques mois avant la liquidation.
- "XXX n'était pas une banque mais un hedge fund."

Mes meilleurs voeux à tous!

[1] Chaises musicales autour du conseil de DBB: http://www.lecho.be/nieuws/archief/Chaises_musicales_autour_du_conseil_de_DBB.9138584-1802.art
[2] Les strapontins de Dexia banque: blogs.lecho.be/lescracks/2011/12/les-strapontins-de-dexia-banque.html
[3] M. Syed, Bounce: The Myth of Talent and the Power of Practice. http://www.amazon.co.uk/Bounce-Myth-Talent-Power-Practice/dp/0007350546/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1324976991&sr=1-1

L'envol...

jeudi 1 décembre 2011

Econome avec la vérité!

En cette période de crise il semble naturel d'être économe. Il y a néanmoins un domaine où je voudrais argumenter contre les économies: la vérité.

Après la lecture de résumés d'auditions de la commission parlementaire Dexia, il semble que l'économie de vérité a recouvert cette saga. M. Miller, l'ancien CEO de Dexia, a été interrogé par la commission. Il a révélé un pacte secret entre la France et la Belgique. Plus précisément un pacte entre certains membres de gouvernements français et belges. Je fais cette précision car en tant que membre du groupe "Belgique", je ne me rappelle pas avoir participé ce pacte secret.

Révéler un pacte secret peut être interprété comme une diffusion de la vérité. Mais j'argumenterais plutôt qu'il s'agit un symptôme d'une économie de vérité du passé. Je ne me rappelle pas avoir vu cette information dans les rapports annuels de Dexia entre 2006 et 2008, quand Mr Miller était CEO. Ce qui veut dire que pendant cette période il a été économe avec la vérité envers les actionnaires de Dexia, ceux qui payaient son salaire.

Mr Piret, le Chief Risk Officer de Dexia, a aussi été interrogé mais a huis clos. Je me demande pourquoi a huis clos puisqu'il est interrogé pas un parlement qui me représente et que lui-même représente Dexia qui m'appartient à travers l'actionnariat de l'état. C'est comme si mon oreille droite ne pouvait pas écouter quand ma bouche parle à mon oreille gauche.

Il a indiqué avoir "alerté le comité de direction sur la situation de liquidité du groupe". Qu'à l'intérieur du groupe Dexia certaines personnes avaient des doutes sur la stratégie n'est pas une surprise, même vu de l'extérieur du groupe. J'en parlais déjà dans un blog précèdent. Là où une économie avec la vérité apparait c'est quand il parle de la "situation de liquidité du groupe", non pas que la situation soit bonne, mais c'est là confondre les symptômes et la maladie. La crise n'est pas une crise de liquidité; demandez aux banques centrales d'Europe, des Etat-Unis, de Suisse ou du Japon: elle croulent sous les liquidités, payent des intérêts négatifs (c'est-à-demandent des intérêts pour conserver votre argent) et ne savent pas comment se débarrasser des liquidités. Le problème est un problème de crédit; "on" ne veut pas prêter à Dexia parce qu'on est pas sur de revoir son argent. Cette incertitude est due aux risques (de crédit) gigantesques des portefeuilles de Dexia, risques supervisés depuis plus de cinq ans par le même Mr Piret. J'irais une étape plus loin, en disant que le problème est dans l'économie de vérité de Dexia vis-à-vis de ses créditeurs. Ce problème n'est pas un problème spécifique à Dexia mais un problème général des banques et des institutions financières. Après avoir été économes avec la vérité depuis de années, les banquiers (qui ne sont pas complètement stupides) ont commencé à réaliser que peut-être les autres institutions financières étaient aussi économes avec la vérité; et donc tout le monde a peur de tout le monde et chacun range les liquidités disponibles là ou il peut: dans les coffres (disques durs) des banques centrales.

Oui il y a une crise de liquidité et de crédit mais ce ne sont que des symptômes. Mrs Miller et Piret, la vraie crise est la crise d'économie de vérité, celle que vous avez commencée, ou à tout le moins accélérée.

On peut aussi noter les contradictions entre le témoignage de Miller disant "avoir suivi les recommandations des équipes des risques" et celui et celui de Piret disant "ne pas avoir été entendu". Une économie supplémentaire de vérité dans une saga qui n'en manque pas.

Mr Kubla a aussi témoigné, il a été plus direct que moi en ce qui concerne la vérité, il a dit "Je considère qu'on nous a menti". Il explique que les informations qu'il recevait étaient toujours rassurantes. Je n'ai participé à aucun conseil d'administration de Dexia (mais au cas où quelqu'un le demanderais, je peux me libérer un jour ou deux jours par mois) et je ne sais pas quelles informations Mr Kubla a reçues mais il semble indiqué qu'il n'a pas reçu des informations très précises sur la situation de la société et qu'il n'a pas demandé plus que ce qu'on lui donnait. Pour cela on pourrait penser qu'il a été économe avec la vérité sur sa capacité à être membre de ce conseil d'administration.

Concernant les différents témoignages de Mariani, De Haene, Miller et cie, je suis surpris par les réponses du genres "on ne pouvait pas prévoir" ou "on a été surpris". Bien sûr on ne peut demander des prévisions exactes faites en avance sur le déroulement de la crise. Dans ce sens il est normal qu'ils n'avaient pas prévus la crise. Il y a un autre sens à "prévisions": celui d'analyser l'étendue des futures possibles et pour chacun d'entre eux d'avoir une statégie pour la compagnie. Je voudrais voir un business plan de Dexia de 2007 qui indique les grandes lignes de la stratégie en cas d'une baisse importante des prix de l'immobilier aux Etats-Unis, une difficulté des emprunteurs (privés et publiques) surendettés à rembourser, une hausse des prix pétrolier et une difficulté d'approvisionnement en énergie, un cataclysme climatique majeur, … Les deux premiers scénarios sont devenus réalités, les deux autres pas, mais la question n'est pas là, la question est de savoir si ces analyses ont été faites et si oui quels étaient les résultats. D'après ce que j'entends, cela n'a jamais été fait, ils ont simplement pris un scénario rose et rêvé d'un future qui n'existera jamais.

"Gouverner, c'est prévoir" disait Emile de Girardin au XIXeme siècle. Il semble que les "gouvernant" du XXIeme siècle soient arrivés dans ce XXIeme siècle sans passer pas la case XIX.

Mrs Mariani, Miller, Piret, Richard, De Haene, Kubla, Di Rupo, Vermeiren et messieurs les membres du comité de direction et du conseil d'administration, avez-vous été économes avec la vérité sur les dangers de vos actions ou simplement économes avec vos efforts?

A peu près au même moment que ces témoignages sont publiés, un jugement a été rendu dans un procès lié à l'amiante et à la société Eternit. La valeur d'un vie humaine ne peut être comparé à quelques zéros (ou absence de zéros) écrits sur une feuille de papier qu'on appelle un bilan. Néanmoins je ne peux m'empêcher de comparer un attendu du jugement qui parle de " […] minimisé et dissimulé durant des années les dangers […]" avec la situation de Dexia. Je ne sais pas si légalement il y a une interdiction de minimiser et dissimuler durant des années les danger des décisions d'un conseil d'administration, mais d'un point de vue de gouvernance d'entreprise il y a une obligation de vérité envers les actionnaires. Je recommande comme "sentence" pour les administrateurs et membres du comité de direction de Dexia la sentence que je recommandais pour un d'entre-eux dans un blog précèdent: interdiction de conseil d'administration/comité de direction de n'importe quelle entreprise liée à la finance et un "examen d'entrée" pour tout autre poste a responsabilité!

Je sais cette sentence est un rêve, mais moi aussi je peux rêver d'un future qui n'existera jamais!

lundi 7 novembre 2011

Di Rupo au Conseil d'Administration de Dexia.

Di Rupo a été au Conseil d'Administration de Dexia pendant environ un an en 2005. A cette époque Dexia a accru considérablement la taille de son bilan, sans rapport avec l'activité de ses clients. C'est-à-dire que c'est en partie à cette époque que la structure du bilan qui a provoqué la chute de Dexia c'est constituée.

Je prends l'exemple de Di Rupo, mais je pourrais prendre n'importe quel autre homme politique qui a été au CA de Dexia entre 2000 et 2007, comme Kubla (depuis 2005), Vermeiren (depuis 2004) et d'autres. Pour Di Rupo, la question c'est posée dans la presse ces derniers jours, c'est pourquoi je le mets en avant.

Di Rupo a déclaré il y a quelques années (en 2008): "J'y ai beaucoup appris", "Il y avait des bénéfices plantureux" et "Jamais on ne nous a expliqué les risques". Si on traduit cela de manière un peu cynique (à peine), cela veut dire: "Je ne connaissais rien et j'ai été payé 32.000 EUR par an pour quelques séances de formation; je ne comprends rien aux banques et je crois qu'il est possible de faire des bénéfices plantureux sans risques; je suis administrateur et je ne pose pas de question, j'attends passivement qu'on me donne des informations".

Probablement Di Rupo n'est pas "coupable" au sens légal du terme mais est "coupable" (comme les autres administrateurs) au sens "corporate governance" du terme: coupable de ne pas avoir fait son travail d'administrateur, coupable d'avoir accepté un poste pour lequel il n'avait pas les compétences. La "sentence" devrait être: interdiction de conseil d'administration de n'importe quelle entreprise liée à la finance et un "examen d'entrée" pour tout autre poste a responsabilité!

Je sais c'est là une dure sentence, mais c'est la vie…

Quoi c'était un "rêve", la vraie sentence c'est d'être entendu par un commission sans pouvoir… On peut toujours rêver non?



Remarque: Le post ci-dessus a été déposé sur le forum d'un "grand" journal. Il a été enlevé très rapidement car il était "haineux, diffamatoires ou agressifs"! Je n'ai pas reçu de réponse à ma question de savoir en quoi il était "haineux, diffamatoires ou agressifs". Je comprends que certaines personnes n'aiment pas qu'on publie des informations sur le passé, même si ces informations sont en principe publiques et vérifiables, mais de là à imposer un censure implicite par un journal... Les journaux devraient faire des enquêtes et faire des analyses sur le fond plutôt que de censurer les lecteurs qui tentent de faire ce travail.

C'est pourquoi mes posts sont maitenant sur un blog et non plus sur des forums: plus de place, plus de liberté!